Entretien avec Julien Sullerot
Il aurait été totalement impossible de réutiliser le Louxor en tant que salle de cinéma si le problème de la transmission des nuisances sonores vers les immeubles mitoyens n’avait pas été réglé. Cette question se trouva donc au centre des réflexions techniques préliminaires : il fallait en effet empêcher les niveaux sonores issus des bandes son des films – aujourd’hui souvent plus fortes que par le passé – de se transmettre dans les appartements voisins, tout en assurant une isolation optimum des trois salles entre elles et par rapport aux bruits extérieurs.
Mais le traitement acoustique du Louxor, ce n’est pas seulement isoler le bâtiment vis-à-vis de son environnement, c’est également assurer l’ambiance acoustique intérieure du cinéma et contrôler les bruits des équipements techniques, pour ne citer que quelques exemples. Nous remercions Julien Sullerot, ingénieur acousticien au sein du bureau d’études Acoustique Vivié et Associés, spécialisé dans l’acoustique des bâtiments, d’avoir répondu à nos questions sur un sujet aussi complexe.
Pour quel type de bâtiment travaille Vivié et associé ?
Notre bureau d’études travaille sur tout type de bâtiments, même si, comme beaucoup d’acousticiens, nous avons une préférence pour les projets culturels, domaine où les sujets d’acoustique sont particulièrement intéressants et les enjeux importants. Mais nous travaillons aussi sur des immeubles d’habitation, des studios de radio ou de post-production professionnels, ou encore pour des écoles et des hôpitaux, etc. Le chantier du Louxor est naturellement particulier par les enjeux acoustiques et l’ampleur des traitements réalisés.
Quelle est votre place dans l’équipe de maîtrise d’œuvre ?
Pour ce projet, dans lequel nous intervenons en tant que spécialistes acousticiens, nous avons été candidats au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre réunie autour de Philippe Pumain, architecte mandataire, au moment du concours lancé par la Ville de Paris pour le projet du Louxor.
C’était une candidature en équipe et non à titre individuel.
En effet. Nous sommes « co-traitants » pour le compte de la Ville de Paris au sein de l’équipe constituée autour de Philippe Pumain. Nous avons travaillé depuis le début de l’opération, d’abord à la préparation et à la présentation du dossier pour le concours de maîtrise d’œuvre. Puis, lorsque notre équipe a été désignée lauréate, nous sommes entrés dans le vif du sujet, début 2009, avec les études techniques à proprement parler, réparties en plusieurs phases, comme cela est couramment le cas dans les marchés publics (avant projet sommaire, avant projet détaillé, etc.). Nous avons donc travaillé sur le dossier pendant toute la période des études et de réflexion.
Mais d’abord, dans le cas d’un bâtiment comme le Louxor, qu’entend-on par « traitement acoustique » ? Ce n’est pas seulement synonyme d’insonorisation ?
Dans ce projet, c’est un sujet particulier assez complexe. Il s’agit ici d’acoustique architecturale, mais tous les sujets de l’acoustique ont été abordés et devaient être traités.
– Il y a d’abord l’isolation acoustique du bâtiment par rapport à son environnement extérieur. Le site est bruyant avec, en premier lieu, le bruit de la circulation et du métro aérien qui pouvait générer des nuisances dans les salles du cinéma. Se pose donc ici le problème de l’étanchéité du bâtiment et de ses différentes entités vis-à-vis de l’extérieur.
– Mais il y a aussi l’ambiance acoustique intérieure, la qualité sonore et la « réponse acoustique » des salles, c’est-à-dire ce qui est lié à la réverbération et assure la qualité d’intelligibilité du message diffusé avec le film. L’ambiance acoustique intérieure est aussi liée au contrôle des niveaux sonores des équipements (par exemple, le bruit de la ventilation) qui ne doivent pas gêner le confort intérieur.
– Sans oublier d’autres aspects, comme le traitement des bruits de circulation des gens dans le bâtiment et le bruit des équipements techniques, cette fois vis-à-vis du voisinage (dans ce domaine, nous sommes liés par des règlementations assez strictes qui définissent le bruit maximum qu’on est en droit d’émettre à l’extérieur vis-à-vis des voisins.)
Mais cette énumération est générale, ces questions d’acoustique se posent dans la plupart des bâtiments avec plus ou moins d’acuité selon les cas.
Quelle est alors la spécificité du Louxor ?
Dans le cas du Louxor, le sujet, la problématique principale, c’est l’isolation des salles du cinéma vis-à-vis des voisins mitoyens.
Il y avait, dans l’état initial du bâtiment, tel qu’il a été récupéré par la Ville de Paris, une très grande faiblesse de l’isolation entre le volume de la grande salle qui occupe la majeure partie du bâtiment, et les immeubles voisins, mitoyens de deux côtés : du côté de l’écran pour l’immeuble du bd de la Chapelle, et du côté des balcons, dans le cas de l’immeuble côté Magenta. Il y a des points de contact importants avec les logements. La construction – dont la structure en béton armé était assez novatrice pour l’époque – n’était pas désolidarisée structurellement des constructions voisines. Il y avait donc des transmissions de bruit très importantes liées aux liaisons solidiennes entre les structures originelles du cinéma et les immeubles de logements mitoyens.
Du côté du mur pignon, était-ce un mur en béton ?
Non. La structure en béton concerne principalement la partie avant, la proue du bâtiment à l’angle des boulevards, ainsi que la toiture ; mais il y a aussi beaucoup de remplissage de murs qui sont en brique creuse. Ils n’ont pas de capacité de portance et sont repris par des poteaux en béton, mais les remplissages intérieurs sont relativement faibles du point de vue acoustique.
Ces transmissions de bruit très importantes avaient déjà posé problème au moment de l’utilisation du bâtiment par une boîte de nuit. L’isolation, faite à cette époque avec des panneaux de laine minérale et de simples plaques de plâtre collées, était d’une efficacité très limitée de ce point de vue. Les mesures initiales effectuées lors du diagnostic l’ont montré.
Il y a eu des mesures préalables ?
Quand on récupère un bâtiment existant, qui a son intégrité, et dans lequel on doit faire des modifications et un traitement d’isolation acoustique, on procède habituellement par mesures in situ. Au-delà de calculs prévisionnels permettant d’estimer les performances initiales, le plus simple et le plus précis, c’est de faire ces mesures pour connaître l’état existant et savoir ce que l’on doit « gagner » (les gains d’isolement à apporter, en l’occurrence) pour avoir un résultat satisfaisant.
Ces premières mesures n’ont pas été faites par notre bureau. C’est la Ville de Paris, qui, préalablement au concours, a fait faire ce diagnostic acoustique (ainsi d’ailleurs que les diagnostics structurel et patrimonial). Nous avions déjà, dès le dossier de consultation, dans le programme technique, les résultats des mesures acoustiques effectuées lors de ce diagnostic.
Comment fait-on ?
On apporte un puissant système de sonorisation dans la salle, de manière à être capable de générer des niveaux sonores élevés, et on se rend chez les voisins pour mesurer les transmissions acoustiques dans les locaux voisins. Cela permet de définir l’isolation de la salle, c’est-à-dire sa capacité d’atténuation vis-à-vis des voisins les plus exposés.
Les mesures initiales faites par la Ville ont donné les résultats des transmissions à tous les étages, appartement par appartement. On a constaté une grande cohérence des résultats d’isolement ; tous sont à peu près du même ordre, ce qui est logique car la construction de bas en haut est à peu près équivalente. Le résultat était médiocre, même avec les doublages réalisés à l’époque de la boîte de nuit. En l’état, la salle ne pouvait pas être exploitée pour des projections de cinéma en respectant la quiétude des voisins. Les perceptions sonores de l’activité de la salle depuis les appartements voisins étaient importantes et ne permettaient certainement pas, en l’état, de projeter des films dans des conditions normales.
Le gain d’isolation acoustique indispensable était très élevé. Il ne s’agissait pas de quelques décibels, ce qui serait potentiellement traitable par des revêtements collés ou des panneaux « légers ». Là, il manquait dans les basses fréquences plus de 20 décibels. Pour être en capacité d’apporter de tels gains en basse fréquence, il faut travailler sur la structure, pas seulement sur les revêtements.
Le problème était donc posé d’emblée.
Oui. Dans le cadre de cette réhabilitation de grande ampleur, il était indispensable de résoudre ce problème d’isolation et il fallait l’intégrer au projet dès le départ. Il ne pouvait pas être corrigé par la suite.
Le niveau sonore au cinéma a considérablement augmenté par rapport à autrefois ?
Effectivement. Cela dépend aussi de la salle, du type de film. Il y a normalement des valeurs nominales officielles de la CST (Commission Supérieure Technique de l’Image et du Son), mais aussi le réglage qu’on en fait, les recommandations du film, la nature de la bande son. Entre un film d’action et un film intimiste, ce ne sera pas le même volume sonore ! Mais il est vrai que l’augmentation de capacité de sonorisation conduit globalement à l’élévation du niveau sonore. On constate que de très nombreux films comportent actuellement des bandes sons « généreuses », au moins pour certains passages de musique ou d’action. Il fallait bien tenir compte de cet aspect pour donner une latitude normale d’exploitation au futur responsable de la salle, qui doit pouvoir projeter tous les types de films.
De plus, à partir du moment où vous engagez ce type de travaux, vous êtes tenus de faire les choses dans les règles. Si vous respectez les normes de confort, de sécurité (par exemple le nombre d’issues de secours), ou de renouvellement d’air, vous devez faire de même en matière d’acoustique. Et en particulier pour les sujets liés à l’isolation vis-à-vis des tiers.
[Depuis cet entretien, les essais de vibrations réalisés le 23 janvier 2012 par l’entreprise Lainé Delau ont donné des résultats positifs. NDLR]
Cela implique donc une coordination avec les autres intervenants ?
Les choses se sont particulièrement bien passé avec Philippe Pumain car il est très réceptif à ces problèmes techniques, il les comprend et sait que le sujet doit être intégré dans un projet dès le départ. Nous avons donc travaillé en très bonne entente. Au cours des différentes phases préparatoires, nous avons étudié, précisé, défini avec lui et les autres bureaux d’études, les solutions techniques qu’il convenait de mettre en œuvre.
Et vous avez été confrontés au problème des décors peints intérieurs, retrouvés sous les revêtements modernes.
En effet ! Il fallait traiter la question très importante de la préservation des décors d’origine de la grande salle, permettre leur restitution, tout en apportant une correction acoustique pour offrir une ambiance intérieure adaptée au cinéma d’aujourd’hui, en fonction des normes actuelles déjà évoquées. C’est donc un travail un peu inhabituel car on reconstitue une salle historique, pas une salle standard dans un cinéma de construction neuve.
Il n’y avait pas d’autres solutions que celle que vous avez choisie, la « boîte dans la boîte » ?
L’isolation acoustique est difficile à traiter dans la mesure où il est question d’étanchéité au bruit, de capacité d’isolation des parois, principalement vis-à-vis des voisins. La « boîte dans la boîte » n’est pas la solution à choisir pour toutes les salles de spectacles ou de musique. Certaines salles n’en ont pas besoin, soit parce qu’elles sont naturellement isolées, soit parce qu’elles sont entièrement créées et dans ce cas, les solutions d’isolation peuvent être intégrées à la construction de l’enveloppe du bâtiment. En revanche, c’est une solution classique et bien adaptée lorsque l’enveloppe du bâtiment a besoin d’être isolée, par exemple en cas de mitoyenneté comme pour le Louxor. C’est la solution utilisée aussi entre des salles, par exemple entre des studios de répétition d’un conservatoire ou d’un pôle de studios de répétition, même s’il s’agit alors souvent de structures plus légères.
Si le bâtiment du Louxor avait été structurellement autonome, la problématique aurait été différente et le traitement relativement simple. Là, avec les murs pignons mitoyens, il y a de grandes surfaces de contact avec les constructions voisines. Du côté Magenta, aussi, c’est un mur complètement solidaire, avec d’un côté, le Louxor, et de l’autre, directement les pièces des appartements des voisins ! Actuellement lorsqu’on construit un bâtiment neuf contre un immeuble ancien, on laisse un joint de dilatation : on se « décolle » du mur mitoyen – par une feuille de polystyrène ou de laine de verre, on place une interface de désolidarisation entre les deux volumes, ne serait-ce que pour des questions structurelles. Cela ne permet pas de traiter la totalité des problématiques acoustiques mais cela fournit une base plus simple à améliorer. Dans les années 20, ils ont simplement adossé le bâtiment du Louxor à l’immeuble haussmannien voisin. Par conséquent, à partir du moment où les murs à traiter prioritairement sont des murs mitoyens sans accès extérieur, la seule solution est de faire un traitement intérieur.
Cela se présente de la même manière des deux côtés, boulevard Magenta et boulevard de la Chapelle ?
Pas tout à fait car les constructions sont de nature différente et la structure du Louxor est également différente dans les deux cas. D’un côté, boulevard de la Chapelle, l’immeuble jouxte directement la grande salle avec tout son élancement ; l’écran est adossé au mur pignon. Il y a donc une grande surface de contact direct entre le mur d’écran et les logements voisins. De l’autre côté, boulevard Magenta, il s’agit d’une partie du Louxor qui comporte des escaliers, des circulations, des dégagements et seulement une partie du balcon. La problématique est donc plus aiguë côté écran (immeuble boulevard de la Chapelle).
Donc, dès le départ, le problème était identifié.
Oui, ces éléments là ont guidé notre réflexion et d’ailleurs, dans le programme initial, les acousticiens qui avaient mené ces études préalables avaient déjà esquissé ce principe de construire une « contre structure » intérieure pour traiter la totalité des transmissions.
Car il faut savoir que le mur mitoyen n’est pas le seul à être concerné, il faut aussi traiter le problème des transmissions dites latérales : celles qui passent par le mur latéral de façade, lui-même directement en contact avec les murs des immeubles voisins ; celles qui passent par la toiture, elle aussi en contact avec les voisins ; par le sol, et par le mur opposé, toujours pour la même raison.
Il y a donc un ensemble de transmissions entre deux espaces qui n’ont pourtant pas de contact par des fenêtres ou des portes ; il n’y a pas de « fuite », de « trou » entre les deux volumes : ces transmissions passent par des vibrations mécaniques. L’objectif est donc de réduire considérablement, à la hauteur des valeurs définies lors des études préalables, les transmissions vibratoires et sonores émises depuis la salle vers la structure. À partir du moment où elles sont transmises à la structure générale solidaire de l’immeuble voisin, on ne peut plus les stopper. Cela a été un sujet déterminant dans la réflexion qui a aussi guidé la réflexion sur les balcons.
Et a abouti à la décision de démolir et reconstruire les deux balcons ?
En effet. Plusieurs raisons se sont conjuguées. D’abord, il est apparu que les balcons n’étaient pas, selon les normes actuelles, en capacité mécanique de porter la charge de tout le public qu’ils devaient accueillir. Ils auraient dû être renforcés structurellement.
Il y avait aussi le problème de la visibilité qui fait actuellement l’objet de règles. Mais surtout, le traitement acoustique exigeait d’isoler la structure, or les balcons étaient mécaniquement solidaires des murs latéraux. Côté Magenta, il fallait donc « désolidariser » les balcons pour qu’ils ne transmettent pas de vibrations à la structure.
Tout cela allait donc dans le même sens et il a été conclu avec l’architecte, l’ingénieur chargé des structures, la Ville de Paris, consciente du problème, qu’il fallait démolir un certain nombre de choses pour reconstituer une structure correctement isolée, et avec les capacités portantes nécessaires pour respecter les normes d’accueil du public.
Pour nous résumer, la « boîte dans la boîte » est une contre structure, désolidarisée du bâtiment sur l’ensemble des six faces. Elle représente l’ensemble du volume de la grande salle, y compris ses balcons, son plafond, la scène, le mur d’écran, le sol. Cette boîte porte sur des ressorts et est ainsi totalement désolidarisée par rapport aux structures avoisinantes, avec une souplesse assurant une désolidarisation efficace à toutes les fréquences sollicitées potentiellement par les systèmes de sonorisation.
Sur la grande salle on voit très bien les poutrelles métalliques verticales et leur appui sur ces ressorts mais qu’en est-il pour les deux salles de dessous ?
Elles sont traitées de façon différente dans la mesure où, situées dans le sous-sol au niveau des caves, elles ne présentent pas de mitoyenneté directe avec les logements voisins, et qu’il s’agit de création de salle. En revanche, il a fallu prévoir une isolation entre les salles et surtout entre la salle moyenne et la grande salle située au dessus (la petite salle se trouvant sous l’accueil et les dégagements, est moins soumise à ces problèmes d’isolation). Pour ces salles en sous-sol, la volumétrie est moindre, ainsi que les contraintes acoustiques. On utilise donc un autre dispositif qui consiste toujours à avoir des appuis sur des ressorts, mais de plus petite taille, intégrés dans le plancher en béton du sol de la salle, et répartis sur toute la surface, à peu près un ressort par mètre carré.
Et les parois de ces salles en sous-sol ?
Le « portique », c’est-à-dire l’ensemble des serrureries métalliques qui constituent le plafond et les murs des salles, est sans contact avec les planchers du haut ou les murs latéraux. Il s’agit donc d’une autre sorte de boîte dans la boîte, mais légère, utilisant des plaques de gypse et des panneaux de laine de roche, avec une désolidarisation complète par rapport à l’environnement, et en particulier à la grande salle. Sans contact mécanique périphérique, chaque boîte repose sur ses propres ressorts, au sol.
Ces fameux ressorts semblent être la clé du dispositif.
Ils présentent un grand intérêt. Les ressorts ont un comportement vibratoire au plus proche de la théorie, avec un écrasement à proportion du poids appliqué, une précision de prédiction supérieure à celle d’autres dispositifs (appuis en caoutchouc, en mousses diverses, qui ont des comportements moins linéaires).
De plus, ils sont réglables, des visites et des changements sont possibles en cas de défaillance. Pour la salle du haut, les boîtes à ressorts (de grosses carcasses en acier munies de boulons sur les côtés) sont livrées « précontraintes », c’est-à-dire déjà écrasées à leur valeur presque nominale d’écrasement. L’ensemble de ces appuis reste donc rigide presque jusqu’au terme des travaux de construction de la structure qu’ils supportent. Il faut préciser que chaque ressort est calibré pour une certaine charge ; chaque boite est numérotée, répertoriée et précisément localisée en fonction des descentes de charges appliquées en chaque point. L’écrasement définitif des ressorts a lieu lorsque la charge totale appliquée est atteinte (à la fin des travaux de structures principaux), cela libérant les écrous de pré-contrainte.
Peut-on faire des rectifications en cours de chantier ?
Oui. C’est le grand intérêt de ce dispositif : s’il y avait un problème de charge entraînant un écrasement excessif d’un côté, ou si une défaillance se produisait, on pourrait resserrer ces écrous, retirer la boîte et la remplacer.
Il est important de pouvoir intervenir et rectifier. C’est pourquoi nous participons activement au suivi du chantier. Nous contrôlons la phase de construction pour nous assurer que la réalisation est conforme à nos attentes, que les matériaux sont conformes aux préconisations ; nous faisons des photos, des comptes rendus lorsque cela est nécessaire. Nous devons être vigilants car nous avons un engagement d’obtention des résultats. Nous effectuons donc un suivi de chantier et des contrôles réguliers.
Vous avez aussi évoqué l’« ambiance intérieure acoustique ».
En ce qui concerne l’ambiance intérieure acoustique dans une salle de cinéma, on traite une problématique inverse de celle du théâtre, où il faut une bonne réverbération et de la réflexion sonore efficace pour que la voix des acteurs puisse porter jusqu’aux derniers rangs de la salle, dans le cadre d’une acoustique dite « naturelle », sans sonorisation de soutien. Au cinéma, en revanche, toute la bande son passe par la sonorisation.
Ce dispositif a le mérite d’être évidemment réglable mais il doit être installé dans un espace bénéficiant d’une absorption efficace. On fait en sorte que des parois (murs, plafonds) présentent des caractéristiques « absorbantes », contrôlent efficacement la réverbération à toutes les fréquences, pour permettre la meilleure intelligibilité de la bande son, du message du film, parlé ou musical.
Les matériaux retenus ont chacun leur caractéristique d’absorption : le bois est souvent utilisé pour les théâtres ; les tissus tendus, les moquettes, les fauteuils habillés de tissu et de mousse pour les cinémas. La CST donne des recommandations de réverbération très strictes pour les salles de cinéma, mais il n’y a pas de valeur forfaitaire des normes : chaque projet suppose une adaptation en fonction de ses spécificités, et du type de spectacle prévu.
Vous parlez beaucoup de « réverbération ». Pouvez-vous préciser ce dont il s’agit en acoustique ?
La réverbération est le temps que met le son à décroître d’une valeur de 60 décibels. La valeur de la réverbération se mesure en secondes. Dans une salle de cinéma comme celles du sous-sol, la valeur sera de 0.3 ou 0,4 seconde, 0.8 seconde dans la grande salle historique. Dans un théâtre de même volume, ce serait plus d’une seconde de durée de réverbération.
Mais alors, qu’en est-il des salles polyvalentes ?
Les vraies salles polyvalentes sont souvent un compromis plus ou moins heureux entre les usages (musiques actuelles, musique classique, réunion publique, conférence, etc.) que l’on veut en faire. Les contraintes acoustiques des différents usages ne sont pas les mêmes. Les usages plus antinomiques seraient une salle de rock la plus efficace pour une diffusion à niveau sonore élevé et une salle de musique classique, en acoustique naturelle, avec des instruments classiques peu puissants mais nécessitant d’atteindre une cohésion, un mélange sonore harmonieux de tout l’orchestre. Pour obtenir cela, il faut une très grande réverbération.
À propos de la sonorisation : il y a beaucoup de hauts parleurs ?
Au cinéma, la sonorisation est dirigée directement vers le public et il y a en plus des reports sur le côté – voies latérales et arrières. Il y aura ici trois hauts parleurs principaux (un central et deux latéraux) placés à l’avant de la salle et une vingtaine d’autres répartis dans la salle (balcons, murs latéraux).
Avec les nouveaux procédés (Dolby, etc.) les hauts parleurs additionnels ou voix « multi canal » ne diffusent pas le message principal, qui est frontal. Cela concerne plutôt les effets sonores, les petits bruits annexes, mixés par l’ingénieur du son, ces bruits qui créent une sorte « d’enveloppe sonore ». Mais l’acteur principal ne va pas parler dans votre dos.
En matière de revêtement, vous avez été consultés ?
Oui, nous travaillons avec Philippe Pumain, évidemment, et aussi avec Claire Bergeaud. Il fallait trouver des matériaux efficaces qui permettent la restitution des décors. Sur la boîte dans la boîte, on n’aura pas au Louxor de tissus, mais des panneaux acoustiques absorbants microporeux enduits, sans joints, sur lesquels les décorateurs reproduiront les décors d’origine. Un soubassement en marbre trompe-l’œil sera réalisé sur des panneaux de bois souple absorbants aux basses fréquences.
Et les fauteuils ?
Les fauteuils seront en bois et tissu. Ils doivent être assez absorbants pour que le taux de remplissage puisse varier sans que l’on sente la différence entre une salle pleine ou vide, chaque fauteuil, occupé ou non, ayant une caractéristique d’absorption proche.
Votre travail s’inscrit donc du début à la fin du chantier ?
Oui, et à la fin du chantier, des mesures acoustiques de réception seront effectuées, l’obtention des performances visées sera vérifiée, et nous rendrons un rapport de réception au maître d’ouvrage.
Êtes-vous dans les délais ?
Pour un chantier aussi complexe, avec autant de contraintes et de problèmes d’emprise (les équipes n’ont pas beaucoup de place pour travailler dans le bâtiment et autour), je trouve que les choses se passent bien pour l’aspect acoustique.
Propos recueillis le 10 janvier 2012 par Nicole Jacques-Lefèvre, Jean-Marcel Humbert et Annie Musitelli.
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