Cet entretien avec l’architecte Philippe Pumain a été scindé en cinq articles. Lire aussi : 1. Les équipes 3. La mise aux normes 4. La restitution de la grande salle 5. Le « façadisme ».
2. Le calendrier et le chantier
Quelles seront les différentes phases des travaux ? Les études sont-elles finies ?
Non. J’ai rendu l’avant-projet définitif. Le permis de construire, élaboré sur la base de cet avant-projet, sera déposé dans les semaines qui viennent. C’est un dossier administratif particulier, mais nous avons déjà tous les éléments qu’il faut simplement présenter et assembler. Dans les mois qui suivent, nous aborderons la dernière phase de l’étude : celle du projet définitif qui permettra d’établir le « dossier de consultation des entreprises » (DCE) et de lancer cette consultation pour obtenir leurs offres. Il sera alors possible de sélectionner celles qui feront les travaux. Donc, en termes d’études, il nous reste une étape, plus le permis de construire qui vient s’intercaler.
Et une fois le permis de construire envoyé, quel délai avant la réponse, et quelle est la suite ?
Théoriquement je pense que sur un tel projet, il faut compter à peu près six mois de délai, sachant que nous avons rencontré la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), l’architecte des bâtiments de France (ABF), et que le travail en amont a été fait. A priori, il ne devrait pas y avoir de blocage à ce stade-là. Mais la procédure est longue, avec les allers et retours entre les différents services, la rédaction du rapport, etc. L’objectif est que, pour ce qui nous concerne, les études soient terminées avant l’été 2009.
Il y a ensuite toute la procédure de consultation d’entreprises : lancée à la rentrée, elle va durer quasiment neuf mois. Il faut que les conditions de l’appel d’offres soient validées par le Conseil municipal, et qu’ensuite les candidatures soient envoyées. Puis il y a un premier retour sur la validité des entreprises, puis sur la validité de leurs offres. Ensuite on analyse leurs offres, et l’affaire revient devant le Conseil municipal. Cela explique le délai de huit ou neuf mois.
Les entreprises, à partir d’un lancement de la procédure en septembre 2009, ne seront connues qu’au mois de mai 2010. Précisons aussi que nous sommes en « lots séparés » : nous n’aurons pas affaire à une entreprise générale mais à une série d’entreprises, a priori une bonne vingtaine, même si certaines peuvent répondre à plusieurs lots. Tous les corps d’état seront représentés, y compris des corps d’état très spécialisés : mosaïques, vitraux.
Les entreprises prépareront leur intervention et le chantier démarrera, normalement, à l’été 2010. Comme les travaux sont prévus pour durer plus de 2 ans, la livraison interviendra fin 2012. Il faut compter ensuite avec la levée de réserves, la prise en main de l’équipement par le futur exploitant. Donc la Ville annonce logiquement la réouverture au printemps 2013.
Ce calendrier vous semble-t-il réaliste ?
Oui. Je pense que c’est réaliste ; sous réserve qu’il n’y ait pas de mauvaises surprises, d’imprévus, d’anicroches ; qu’on ne découvre pas des choses cachées. En réhabilitation, il y a toujours des aléas. Le planning proposé en tient compte, nous avons une petite marge d’adaptation mais on peut toujours trouver des choses « extraordinaires ».
Le site pose-t-il des problèmes particuliers ?
Il pose tous les problèmes qu’on rencontre un peu partout dans Paris :
L’accessibilité : le chantier est en site urbain dense sans véritable dégagement sur l’extérieur.
Les fondations : Nous sommes obligés de renforcer tous les mitoyens, de faire ce qu’on appelle les « reprises en sous-œuvre » car le bâtiment se trouve contre les immeubles mitoyens, d’où également les problèmes acoustiques déjà évoqués.
Il n’y a pas de problèmes « extraordinaires » qu’on ne rencontrerait pas ailleurs, mais plusieurs types de problèmes sur une surface relativement réduite. En un sens, c’est un avantage : c’est un chantier assez ramassé. L’inconvénient, c’est qu’au bout d’un moment, les diverses équipes risquent de se trouver un peu à l’étroit et de se gêner. Il sera impossible de mettre 400 personnes sur le chantier pour aller trois fois plus vite ! Donc les équipes seront relativement réduites et la durée des tâches assez longue.
Est-il prévu de mettre une bâche autour du Louxor, de l’ « emballer » ?
Oui, c’est envisagé. La Ville a déjà été contactée par des fabricants qui proposent des bâches publicitaires décoratives et n’y est pas défavorable : Non seulement cela peut éventuellement rapporter de l’argent mais cela donne une image plus valorisante qu’une simple protection de chantier. J’espère que nous pourrons donner notre avis sur le choix du visuel. Il faudrait, de mon point de vue, concilier l’aspect « commercial » et l’aspect culturel et esthétique. On pourrait imaginer qu’il y ait au moins sur cette bâche une reprise de la perspective du bâtiment. Et il nous semblerait logique que l’annonceur ait un rapport avec le cinéma.
Les voisins mitoyens ont exprimé leurs inquiétudes légitimes au sujet des nuisances et des risques provoqués par le chantier. Quelles garanties pouvez-vous leur donner ?
Nous les avons déjà rencontrés. La Ville les a convoqués et une visite a eu lieu avec les habitants des deux immeubles mitoyens. Il y a deux niveaux de réponses :
Un premier niveau, en termes de garantie de pérennité de leurs immeubles. La « procédure de référé préventif » est habituelle dans ces cas-là. Un expert est nommé par le Tribunal administratif pour toute la durée du chantier. Il vient expertiser les immeubles voisins préalablement au démarrage des travaux. Il fait un rapport qui est déposé au Tribunal. En fin de chantier, il vient constater qu’il n’y a pas eu de dégradations, de désordres. En cas d’incident en cours de chantier, il est sollicité pour venir expertiser. Cette procédure garantit l’intégrité physique des bâtiments mitoyens et voisins.
Le deuxième niveau de réponse a trait aux nuisances (notamment sonores) pendant le chantier.
D’abord, la Ville imposera aux entreprises des exigences pour que les travaux aient lieu dans des horaires « normaux », en gros de 8h à 17h. Et, bien entendu, on ne travaille pas le week-end.
Une autre procédure est mise en place par la Ville : le contrôle du niveau de bruit du chantier. On mettra en place chez tous les voisins des capteurs de bruit reliés à un ordinateur qui traite l’information. Un seuil maximum admis sera défini et en cas de dépassement, la procédure d’alerte sera déclenchée auprès de l’architecte, de l’acousticien, de l’entreprise, du maître d’ouvrage. Ils se déplaceront alors pour voir d’où vient le problème et donneront des instructions pour arrêter la source du bruit.
Mais qu’est-ce qu’un niveau de bruit « normal » pour un chantier ?
Il y aura une concertation avec les voisins. Nous allons définir un niveau de bruit « classique » pour un chantier. Si ce niveau est dépassé, c’est qu’il y a un problème. Par exemple, l’entreprise n’a pas utilisé les bons outils : on prescrit des systèmes de sciage du béton moins bruyants que les marteaux piqueurs ; ou des systèmes de croqueuses de béton également moins bruyants. L’entreprise doit s’y conformer. Il peut s’agir d’un autre type de problème. Mais les gens ne sont pas abandonnés face à l’entreprise. Il y a un intermédiaire et l’architecte est tenu informé.
Concernant les voisins du Louxor, ils sont directement intéressés par le résultat. Ils nous ont expliqué combien ils ont souffert du bruit à l’époque des boîtes de nuit. Ils comprennent la nécessité des travaux d’ insonorisation. C’est évidemment leur intérêt.
On ne peut nier qu’un chantier génère certaines nuisances. Cependant ce sera surtout pendant le gros œuvre ; ensuite, les travaux seront beaucoup moins bruyants. De plus, une fois la «boîte dans la boîte» installée, les bruits du chantier seront coupés, comme les bruits ultérieurs d’exploitation du cinéma.
Entretien réalisé le 17 février 2009 © LesAmis du Louxor