Réunion du Conseil de quartier Saint-Vincent-de-Paul-Lariboisière
Intervention de Michel Gomez, responsable de la Mission cinéma de la Ville de Paris
Signe de l’intérêt que suscite la future réouverture du Louxor, la salle de réunion de l’école primaire de la rue de Belzunce était pleine. La réunion du 25 janvier 2011, animée par Jean-Louis Pierrel, membre de l’équipe d’animation du conseil de quartier, commença par quelques mots de bienvenue d’Alexandra Cordebard, première adjointe au maire du Xe, chargée de la culture, et le rappel de certaines questions locales abordées lors des précédents conseils de quartier. On entra ensuite dans le vif du sujet avec la présentation du projet du « nouveau Louxor » par Michel Gomez.
I. Le chantier
Il a vraiment démarré depuis le mois de juin. Les travaux de gros-œuvre vont durer encore six mois. C’est une phase très complexe techniquement. Le bâtiment ancien doit être consolidé, ce qui implique des reprises en sous-œuvre. La structure va reposer sur de très nombreux micro-pieux. Il faut creuser, démolir, c’est à la fois spectaculaire et délicat, et explique le coût de l’opération. C’est aussi un chantier exemplaire en HQE (haute qualité environnementale) puisque tous les déchets sont traités sur place et que le chauffage fera appel à la géothermie. Michel Gomez rappelle le choix qui a été fait d’insonoriser le bâtiment au moyen de la « boîte dans la boîte ».
La mission cinéma a l’intention de poursuivre les relations avec les associations, les conseils de quartier et les élus dans les trois arrondissements concernés. Elle s’est fixé plusieurs axes de travail. La Ville fait prendre très régulièrement des photos du Louxor, à chaque fois sous le même angle, afin de suivre l’évolution du chantier de manière rigoureuse et de garder la trace de tout ce qui aura été réalisé. Le Forum des images fait également un film du chantier : les caméras tournent non pas en permanence mais tous les trois mois : là aussi, sous le même angle. Remarque : le chantier n’est pas ouvert aux photographes et cinéastes privés ; seules les équipes choisies par la Ville font ce travail. Les visites du public, qui étaient très ouvertes avant l’ouverture du chantier, seront poursuivies, en petits groupes de 10 personnes.
« Habillage » du Louxor : Bertrand Delanoë a tranché en faveur d’une bâche non publicitaire, très esthétique, qui sera éclairée la nuit. Elle reproduira en image de synthèse la future salle du Louxor et contribuera déjà à transfigurer le carrefour. Quant aux palissades, les photographies seront renouvelées tous les six mois, sur des thèmes divers.
La mission cinéma a déjà des relations régulières avec les associations qui sont sur le terrain mais va aussi publier une Lettre semestrielle qui fera le point sur l’état du chantier et l’élaboration du projet culturel. La première lettre sortira au moment de l’installation de la bâche.
II. Le futur cinéma (ouverture prévue pour le 1er semestre 2013)
Le cadre : Michel Gomez souligne qu’il n’y a pour cette réhabilitation aucun investissement privé. En effet, aucun investisseur privé n’aurait assumé une telle charge qui n’entre pas dans la logique du secteur privé. Seule la Ville de Paris était capable de répondre à trois défis, urbanistique, patrimonial et cinématographique.
La salle sera exploitée par un exploitant privé choisi dans le cadre d’une Délégation de service public. C’est une procédure très bien rodée et très encadrée qui devra d’abord faire l’objet d’un vote au Conseil de Paris (en mai très certainement). Le choix du délégataire sera fait fin 2012.
La phase qui débute actuellement est celle de la rédaction du cahier des charges.
Art et Essai :
Le Louxor sera une salle Art et Essai dotée de trois écrans, grâce à la création de deux salles en sous-sol qui s’ajouteront à la grande salle. Cette transformation était indispensable pour assurer souplesse et variété de programmation. Une de ces salles sera destinée aux « cinémas du Sud », appellation assez vague pour inclure des cinémas très variés, de l’Amérique du Sud à l’Inde, etc. Cela signifie tout simplement une ouverture à la cinématographie du monde.
Le cahier des charges comprendra un certain nombre d’obligations à définir mais qui incluent généralement les actions en direction du jeune public, des relations avec les écoles, avec les associations et les acteurs du monde culturel présents sur le terrain. À ce sujet d’ailleurs, la Ville va recenser les différents acteurs culturels susceptibles de devenir des interlocuteurs pour que les candidats qui soumettront leur dossier puissent construire une offre en toute connaissance de cause. On demandera aussi au futur exploitant une politique tarifaire.
Mais il faut rappeler ceci : il s’agira d’un exploitant privé. C’est lui qui assumera les responsabilités et prendra le risque, même s’il bénéficie, comme toutes les salles Art et Essai, d’une subvention. C’est lui qui gérera et définira sa programmation dans le cadre du cahier des charges qui aura été élaboré.
Jean Louis Pierrel donne ensuite la parole à la salle.
Questions des participants :
N’y aura-t-il que du cinéma au Louxor ?
Non. Une des salles en sous-sol (celle de 110 places) sera équipée afin de permettre de petits concerts, du théâtre, donc une certaine polyvalence.
Comment assurer la viabilité d’un cinéma Art et Essai à Barbès alors que des salles à Paris sont en difficulté ? La mission cinéma peut-elle fixer par exemple le nombre et la fréquence des films Art et Essai qui seront programmés ?
Il ne faut pas avoir de l’Art et Essai une vision encore ancrée dans les années 60 ou 70. Une salle est classée Art et Essai (par une commission) en fonction du nombre de films de cette catégorie qu’elle programme mais ce classement a beaucoup évolué. Les films de cinéastes comme Woody Allen, Almodovar ou Clint Eastwood sont Art et Essai ; c’est une famille élargie, ce ne sont pas nécessairement des films « élitistes » et à faible potentiel de spectateurs !
Par ailleurs, contrairement à une autre idée reçue, les salles Art et Essai se portent bien dès qu’elles sont dirigées par des personnes ancrées dans leur quartier et qui travaillent. Mais il est certain qu’il faut travailler. Michel Gomez cite les cas du Cinéma des cinéastes, et du Brady qui a été repris par un jeune exploitant dynamique.
S’il est vrai que le public des cinémas a vieilli, il se renouvelle aussi. Les salles qui marchent bien travaillent avec un jeune public qu’il s’agit de former au cinéma. On voit aussi émerger des formes de création nouvelle (vidéo, etc.). C’est de tout cet ensemble qu’il faut tenir compte. Quant au choix de la programmation, il incombe évidemment à l’exploitant, dans le cadre du cahier des charges qui aura été adopté.
Que se passera-t-il si le Conseil de Paris, renouvelé en 2014, refuse de continuer à aider ce cinéma ?
Un éventuel changement d’orientation du Conseil de Paris n’est pas un obstacle car une DSP a une durée de sept ans. Cette salle s’installe dans la durée ; il faut, comme tout lieu nouveau, qu’elle trouve son rythme. On table pour ce genre de salle sur 150/160 000 entrées annuelles. Mais au départ ce sera sans doute plutôt 110 000. Il faudra que l’exploitant trouve ses marques et table sur la durée. On créera par ailleurs un compte de soutien pour l’entretien du bâtiment, mais basé sur les revenus propres de la salle.
L’appel d’offres rencontrera-t-il un écho ? Y a-t-il déjà des manifestations d’intérêt d’opérateurs potentiels ?
Aucune inquiétude ! De très nombreuses manifestations d’intérêt se sont d’ores et déjà fait jour, et les candidatures vont être très nombreuses : car c’est une salle de cinéma mythique qui fait rêver. Ce qui va permettre à la Ville d’être très sélective. Une réunion est prévue à la mairie du Xe pour présenter la synthèse de tous les éléments qui figureront dans le cahier des charges pour la délégation de service public.
Y aura-t-il un espace lecture ? Une médiathèque ?
Non. Contrairement à ce qu’on imagine parfois, le Louxor n’est pas si grand et il y a peu d’espace en dehors des salles. Il y aura seulement au 1er étage une petite salle de 40 m² qui servira de lieu d’exposition, et au 2e étage un lieu de petite restauration (et non pas un « restaurant ») d’ environ 50 m², qui sera réservé aux spectateurs du cinéma.
Que prévoyez-vous pour que ce cinéma ait un effet structurant sur le quartier ? Y aura-t-il une partie des activités réservées au quartier ?
Un cinéma, lorsqu’il s’installe dans un quartier, a des effets très positifs ; il génère de l’activité économique et de la circulation. Un cinéma est un lieu simple, bien défini. On sait où on va, on recense les acteurs culturels et sociaux ; il y a déjà à proximité le Centre Barbara, la bibliothèque Fleury avec lesquels il peut y avoir des rapprochements. Tout cela est bien cadré. Et nous ferons en sorte de choisir le candidat qui fera le meilleur projet, qui tienne compte de l’ancrage du lieu dans le quartier. Nous attendons du délégataire qu’il intègre cette dimension dans son projet.
Quant à intégrer dans le cahier des charges la possibilité, par exemple, d’ouvrir le lieu aux associations, ce n’est pas vraiment la destination d’un cinéma. Mais dans le cahier des charges seront imposées des missions de service public parmi lesquelles des mises à disposition de salles, qui représentent un coût pour l’exploitant. Cela ne peut pas aller plus loin dans la mesure où le risque économique de l’exploitation est pris par le délégataire : ce sera donc à l’exploitant d’étudier et de choisir les possibilités qui s’offrent à lui en termes de politique tarifaire, domaine dans lequel la Ville ne peut intervenir. En revanche, la Ville intégrera dans le cahier des charges que le candidat précise sa politique tarifaire (pour les écoles, dans le domaine des cartes d’abonnements, etc.) Par ailleurs, il serait intéressant d’imaginer des programmations en rapport avec le quartier : il faut construire de véritables évènements cinématographiques.
De nombreuses salles de cinéma ont fermé dans le quartier. Le Louxor pourra-t-il se maintenir ? Et dans l’environnement très particulier du carrefour Barbès?
Il est vrai que beaucoup de salles ont disparu dans Paris. Comme d’autres secteurs, le cinéma a connu une grande mutation. Mais Paris a un nombre exceptionnellement élevé de salles par rapport à d’autres capitales. Le cinéma se porte bien à Paris, il faut le rappeler. [Michel Gomez ouvre une parenthèse sur le nombre de tournages (820 l’an dernier) et la vitalité de cette activité qui fait travailler non seulement acteurs, techniciens, etc. mais aussi d’autres branches d’activité comme l’hôtellerie, et contribue de surcroît à façonner l’image de Paris dans le monde.]
Pour en revenir à l’environnement immédiat du Louxor, ce n’est pas la Mission cinéma qui détient les réponses. Il y a des réunions spécifiques à l’Hôtel de Ville avec tous les acteurs concernés (voirie, police, urbanisme, etc.). Toujours est-il que la mission cinéma est très vigilante et que la Ville fait le maximum pour maintenir les abords du chantier en bon état. C’est ainsi que les tags sur les palissades décorées ont été effacés dès qu’ils ont été signalés. De même, les problèmes d’éclairage ou de chaussée inondée du côté du boulevard de la Chapelle vont être réglés.
Michel Gomez assure l’auditoire que d’autres rencontres auront lieu et Alexandra Cordebard rappelle l’importance que les élus attachent à cette nouvelle réalisation qui ne peut qu’améliorer la qualité de vie dans notre quartier et en modifier durablement l’image.
Nous reviendrons largement sur ce sujet lors de la toute prochaine Assemblée générale de notre association le 31 janvier 2011 à la mairie du 10e arrondissement (19 heures, Salle A).
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