Nouveaux films, avant-premières, reprises des « séances spéciales », retour des publics scolaires, etc., Emmanuel Papillon nous présente une rentrée riche en évènements.
D’abord, un bref retour en arrière. Comment s’est passé l’été qui est censé être une période creuse pour les salles de cinéma ?
Comme partout au niveau national, la période s’inscrit dans un contexte de légère baisse de fréquentation (- 3% environ sur le plan national ). Au Louxor, pourtant, nous ne nous en sommes pas mal sortis même si l’été a été un peu moins bon que l’an passé – en raison notamment de l’absence de films « porteurs ». On peut vraiment regretter la frilosité de beaucoup de distributeurs qui ne veulent pas sortir de films pendant l’été alors qu’il y a bel et bien un public en juillet et en août, et cette absence de grands films décourage les gens de l’idée même d’aller au cinéma. Pourtant regardez ce qui s’est passé l’été dernier : la Palme d’or 2014, Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan, était sortie en août et avait très bien marché ! Ce refus de sortie estivale est aussi très dommageable pour les films eux-mêmes car ils sortent tous en même temps ! On se retrouve ensuite avec un nombre absurde de sorties la même semaine et certains films vont au massacre. Des films auraient pu sortir en été : par exemple, si Dheepan, qui a plutôt bien marché, était sorti 15 jours plus tôt, il aurait eu une carrière plus longue avant l’arrivée de nouveaux titres en septembre – octobre. Cela dit, nous ne nous plaignons pas avec une moyenne de 2500 entrées par semaine cet été.
Nous avons proposé des reprises de films de 2015 que nous n’avions pas programmés à leur sortie et qui sont déjà sortis des écrans – des « séances de rattrapage », en somme, pour des films aussi divers que Gone Girl, Comme un avion ou Dear White People, etc.. Des reprises de classiques, aussi, comme Rocco et ses frères ou A Touch of Zen.
Et certaines sorties ont très bien marché comme La Isla minima. En revanche, la trilogie portugaise Les Mille et une nuits a été un échec…
Et comment se présente la rentrée ?
Elle est plutôt bien engagée avec des films qui ont trouvé leur public comme Much Loved, ou Youth. Quant à Fatima, le film fait de bons débuts. On en est à pas moins de 5000 entrées par semaine et cela devrait augmenter.
Les fidèles sont de retour…
Oui, et les jeunes publics. Nous sommes heureux de participer à Mon premier festival, c’est un évènement annuel important qui offre des films, des rencontres, des activités autour des films. Et cette année il y a une thématique qui parle vraiment à tous : « Là où je vis » avec des films pour tous les âges, des Amis animaux et Paddington pour les petits à Bande de filles ou Persepolis pour les grands
Et bien sûr vous poursuivez vos « séances spéciales ».
Oui, comme la Saturday Yann Fever avec Yann Delattre qui, après une éclipse pendant laquelle il réalisait un film, revient présenter, un samedi matin par mois, ses films américains favoris. On poursuit bien sûr notre ciné-club, un mardi par mois, avec un public fidèle qui était déjà au rendez-vous dès la première projection pour l’un des quatre films de Fritz Lang programmés d’octobre à novembre.
L’Université populaire a changé de créneau ?
Elle passe du jeudi après-midi au dimanche matin. Beaucoup de gens qui travaillent ne pouvaient pas venir et nous avons donc souhaité diversifier le public. Dimanche 11 octobre par exemple, beaucoup d’étudiants en architecture étaient présents pour le film L’Homme d’à côté, proposé et présenté par François Chaslin, spécialiste d’architecture. Nous avons dû refuser du monde ! Autre avantage pour nous : les séances du jeudi après-midi nous amenaient à déprogrammer deux séances régulières, cela peut s’avérer gênant pour des films juste sortis. Nous attendons la violoncelliste Dominique Lemonnier (pour Sonate d’automne) et Serge Toubiana, le directeur de la Cinémathèque française, qui a choisi L’Homme qui aimait les femmes.
Parmi les évènements à venir : cette année le Maghreb des Films va être particulièrement important avec trois avant-premières : un film marocain, un algérien et un tunisien qui ont été projetés lors des festivals de Berlin, Venise et Locarno !
Et allez-vous renouer avec vos « séances pharaoniques » ?
Certainement. Nous avons plusieurs pistes, à suivre très prochainement…
Il y a d’autres projets ?
Nous allons donner une place particulière aux ciné-concerts qui font maintenant partie de l’identité du Louxor. Nous travaillons avec la Cinémathèque, dans le cadre de son festival Toute la mémoire du monde pour proposer des projections de classiques qui devraient faire date. Cela semble bien parti.
Ne pas oublier non plus nos expositions photos. À venir, à l’occasion des Rencontres Photographiques du 10e, l’exposition Les Étreintes, travail de Mathilde Marc à partir d’images de cinéma. Cette série, explique-t-elle, « est inspirée par une gestuelle récurrente au cinéma qui me fascine et tout particulièrement dans les films de Douglas Sirk et d’Alfred Hitchcock: le regard hors champ déclenché par la fin d’une étreinte. Cet instant, presque chorégraphié dans le jeu des acteurs, raconte une double histoire: celle qui est représentée et celle qui est fantasmée.
Contrainte, bouleversée, apaisée… à quoi pense l’héroïne, que regarde-t-elle? »
L’exposition se tiendra dans le salon du Louxor du 15 octobre au 30 novembre.
Mais en dehors des évènements particuliers, nous avons une belle moisson de films nouveaux en perspective : le nouveau Woody Allen (L’Homme irrationnel), Lobster, le Jia Zhang-ke (Mountains May Depart), Mia Madre de Moretti, Le Fils de Saül, une œuvre extraordinaire qui sera à coup sûr un film très important et devrait susciter la réflexion, tant par les questions cinématographiques (sa mise en images), qu’historiques ou éthiques qu’il pose.
A propos de l’évènement Mon premier festival, vous avez déjà évoqué les jeunes publics dont s’occupe tout particulièrement votre collaboratrice Stéphanie Hanna. Il y a Les p’tits Loux, votre « cinéma des enfants » mais aussi, toute l’année, les séances dédiées aux scolaires qui sont aussi un pan important de votre activité.
Oui, cela nous occupe beaucoup, pratiquement tous les matins pendant l’année scolaire. Et cela concerne tous les niveaux : écoles, collèges, lycées ; cela dans le cadre du programme national d’éducation à l’image.
Mais c’est une programmation spécifique qui ne figure pas parmi les films annoncés au Louxor.
L’un n’exclut pas l’autre. Des films nous sont demandés spécialement par les enseignants dans le cadre de leur enseignement. Nous avons établi des relations suivies avec certains établissements du secteur, comme les lycées Jacques Decour ou Rocroy Saint-Léon. Il y a des profs passionnés, très cinéphiles, qui présentent eux-mêmes les films. Par exemple, Œdipe Roi de Sophocle est au programme de terminale et nous allons donc projeter l’Œdipe Roi de Pasolini pour des classes de Jacques Decour. Les demandes peuvent être très variées – de Mon Oncle à Twelve Years a Slave, film très régulièrement demandé, comme le film allemand Le Labyrinthe du silence, qui lui aussi intéresse beaucoup les lycéens.
Mais nous encourageons aussi les enseignants à organiser des séances scolaires sur les films de notre programmation qui peuvent se prêter à un travail pédagogique. C’est une manière de participer plus fortement à la carrière des films en salle. Par exemple, nous mettons en avant auprès du public enseignant le joli programme Les fables de M. Renard ou la prochaine sortie Folimage Neige et les arbres magiques. Résultat : nous avons déjà de nombreuses demandes d’organisations de séances en octobre, novembre et décembre. Ces films rencontrent un public beaucoup plus large que s’ils étaient programmés simplement sur ce que l’on appelle le « hors temps scolaire ».
Les jeunes publics représentent tout de même 25 000 entrées par an ! Nous avons beaucoup d’établissements scolaires proches du Louxor. C’est un travail attachant : pour 2,5€, beaucoup de jeunes ont ainsi accès à des films qu’ils n’iraient pas voir de leur propre initiative et ça n’empêche pas qu’ils aillent au cinéma voir un blockbuster pendant le week-end. Susciter la curiosité, apprendre à regarder les images, donner le goût du cinéma, c’est l’essentiel…
Propos recueillis par Annie Musitelli ©Les Amis du Louxor