Après les films d’action et les péplums, qui composaient l’essentiel de sa programmation de la fin de 1967 jusqu’au milieu des années 70, c’est à partir de 1973 que les films sur la Guerre d’Algérie arrivent sur l’écran du Louxor. Pour enrayer la baisse de fréquentation (1) qui frappe les salles de quartier, le Louxor a fait le choix de renouveler son public en s’adressant en priorité aux très nombreux immigrés installés à Barbès (ou qui fréquentent le quartier). Le succès est d’ailleurs au rendez-vous avec un nombre d’entrées en hausse spectaculaire, du moins pour quelques années, avant une nouvelle chute au début des années 1980(2), qui aboutira à la fermeture du Louxor le 30 novembre 1983.
L’importance du film La Bataille d’Alger dans l’histoire de la programmation du Louxor a déjà été évoqué. Mais d’autres films, comme Chronique des années de braise de Mohamed Lakdar Hamina (Palme d’or du Festival de Cannes 1975) qui fut projeté début 1976 pendant trois semaines d’affilée ou L’Opium et le Bâton (1971) d’Ahmed Rachedi attirèrent eux aussi les foules au Louxor. Jusqu’à la fermeture du Louxor, certains de ces films seront reprogrammés régulièrement au Louxor.
Pourtant, pendant près de cinq ans, ces films restent noyés dans la marée des péplums, westerns et autres films d’action. En 1973, La Bataille d’Alger se retrouve ainsi entre Le Courageux, le Traître et le Sans pitié et Quand les vautours attaquent ; La Guerre d’Algérie se faufile entre Dans l’enfer de Corregidor et Les Travaux d’Hercule…
Il faut attendre 1978 et l’arrivée des films égyptiens, puis indiens, pour que Gringo, Ringo, Trinita, Hercule et Spartacus fassent peu à peu leurs adieux au Louxor.
Nous publions ici la liste (accompagnée des dates et du nombre d’entrées par semaine) des films algériens ou des films de réalisateurs étrangers sur l’Algérie projetés au Louxor de 1973 à 1983. On constate, d’après les trois tableaux qui suivent, que les films les plus souvent reprogrammés traitent de la colonisation, de la lutte pour l’indépendance et de la guerre d’Algérie. A l’exception de Prends dix-mille balles et tire-toi (tableau 2), les films qui abordent les problèmes contemporains (par exemple la comédie Omar Gatlato de Merzouak Allouache ou encore Mektoub ou Ali au pays des mirages, deux films qui évoquent les difficultés des travailleurs immigrés) attirent un public nettement moins nombreux que les films liés à la guerre d’Algérie.
I. Films les plus souvent projetés au Louxor
(cliquez sur le tableau pour l’agrandir)
II. Films projetés au moins deux fois
Il était rarissime au Louxor qu’un film y soit projeté une semaine après sa sortie : ce fut pourtant le cas de Prends dix mille balles et casse-toi de Mahmoud Zemmouri, qui sera maintenu à l’affiche deux semaines d’affilée à partir du mars 1982. Comme en témoigne le nombre d’entrées, ce récit d’un « choc des cultures » traité sur le mode humoristique (Prix de la critique au Festival international du film d’humour de Chamrousse) a su trouver son public : une famille algérienne accepte l’aide au retour de 10 000 francs offerte par le gouvernement français aux immigrés qui souhaitent rentrer au pays. Mais les enfants, adolescents nés en France, vont avoir quelques difficultés d’adaptation…
III. Une seule projection.
Enfin, en 1982 (27 octobre-2 novembre, 3960 entrées), plus inattendu après les productions précédemment citées, le film d’Alexandre Arcady, Le Coup de Sirocco avec Roger Hanin, Marthe Villalonga, Michel Auclair, Patrick Bruel, présente l’arrivée en France de la famille Narboni, rapatriée d’Algérie en 1962.
Annie Musitelli ©Les Amis du Louxor
Source : Officiel des spectacles (BNF) ; CNC, direction du cinéma, service du contrôle des résultats d’exploitation.
Notes
1- Le Louxor atteint son plus bas niveau de fréquentation en 1966 avec 153 054 entrées.
2- 453 560 spectateurs en 1968. 303 700 entrées en 1979 ; 274 750 en 1982 ; 195 580 du 1er janvier au 29 novembre 1983 (date de la fermeture de la salle).