Séance organisée par l’A.P.A.H.S. (Association pour les activités autour de l’histoire à Sciences Po)
Mardi 12 avril 2016, le film de Gillo Pontecorvo, La Bataille d’Alger, Lion d’Or de la Mostra de Venise en 1966, retrouvait le Louxor où il fut projeté à maintes reprises entre 1973 et 1983. La projection était suivie d’une discussion avec l’historien Elie Tenenbaum, chercheur au Centre des études de sécurité de l’IFRI, qui apporta un éclairage précieux sur le contexte historique.
D’abord interdit en France, le film n’obtient son visa d’exploitation qu’en 1971. Mais à la suite de graves incidents (dont l’attaque du cinéma Saint-Séverin à Paris), il est retiré des écrans. Il refait surface lorsqu’il est projeté le 20 octobre 2003 sur la chaine Public Sénat puis ressort en salles en juin 2004 (1).
Pourtant, le film n’avait pas disparu totalement des écrans français. Il attira même les foules au Louxor en 1973 (14 800 spectateurs la première semaine) et continuera de le faire pendant les années suivantes. Jean-Pierre Leroux, qui avait assisté à l’une des projections de 1973 et dont nous avions publié le témoignage sur notre site, était présent mardi 12 avril. Il évoqua l’atmosphère passionnée qui régnait alors dans la salle dont l’assistance était essentiellement composée de spectateurs d’origine algérienne.
Le film s’inscrivait dans la nouvelle stratégie de programmation du Louxor qui, à partir de l’été 1967, baisse ses prix (2) et abandonne la programmation classique de Pathé pour renouveler son public en s’adressant désormais en priorité aux très nombreux immigrés installés à Barbès ou qui fréquentent le quartier. Ultime effort d’une salle de quartier mono écran pour survivre encore quelques années face à la baisse de fréquentation qui la menace (3).
Pari réussi puisque la fréquentation se redresse de manière spectaculaire (4) — pour quelques années du moins, avant que le nombre de spectateurs ne reparte à la baisse (5) jusqu’à la fermeture du Louxor le 30 novembre 1983.
En raison de son succès spectaculaire, La Bataille d’Alger reste deux semaines à l’affiche et sera programmé à plusieurs reprises.
Toujours en 1973, suivront Décembre, de Mohamed Lakdar Hamina, programmé deux fois cette même année, en juin et en décembre, et La Guerre d’Algérie, le documentaire d’Yves Courrière et Philippe Monnier.
Les années suivantes confirmeront la place de l’Algérie dans la programmation du Louxor.
©Les Amis du Louxor
Source : Officiel des spectacles (BNF) ; CNC, direction du cinéma, service du contrôle des résultats d’exploitation.
–Notes
1- On peut consulter notamment le dossier pédagogique Décolonisation, le cinéma face à la censure, réalisé pour le Festival international du film d’histoire de Pessac 2010, qui comporte de nombreuses références à des articles ou ouvrages sur le sujet.
2-Pendant l’été 1967, le prix des places passe de 5,30 et 6,30 francs à 2 francs (prix unique).
3- Le Louxor atteint son plus bas niveau de fréquentation en 1966 avec 153 054 entrées.
4- 453 560 spectateurs en 1968.
5- 303 700 entrées en 1979 ; 313 600 en 1980 ; 307 600 en 1981 ; 274 750 en 1982 ; 195 580 du 1er janvier au 29 novembre 1983 (date de la dernière séance).