Films égyptiens et libanais programmés au Louxor de 1978 à 1983

I. Films égyptiens

La liste des films que nous publions ici témoigne de la place du cinéma égyptien dans la programmation du Louxor de 1978 à 1983, date de la fermeture de la salle par Pathé : avec pas moins de 50 films, dont certains ont été programmés plusieurs fois, 66 semaines ont ainsi été dévolues au cinéma égyptien.

Said Ahmed El Bedaoui de Baha Eddine Charaf, Louxor 6-13 août 1980. Ce film fut projeté à trois reprises au Louxor. (photo : Fonds Eldorado)

Dates
Il s’agit généralement de films datant de plusieurs années, voire de films anciens – par exemple Nashid al amal, Chanson d’espoir, d’Ahmed Badrakhan date de 1937. Mais, comme le montrent les chiffres de la fréquentation hebdomadaire (voir la liste des films), peu importe la date de production, ces longs métrages n’avaient rien perdu de leur attrait pour le public du Louxor1. Par exemple, Ali Baba et les 40 voleurs (1942) ou Sallama (1945) deux films de Togo Mizrahi, un des pionniers du cinéma égyptien, firent respectivement 7 000 et 6 800 entrées hebdomadaires au Louxor en 1979. On constate d’ailleurs que les plus grands succès concernent des films des années 1950 et 1960.  
Le seul film égyptien récent programmé au Louxor fut La Mémoire, une histoire égyptienne (1982) de Youssef Chahine. Mais avec seulement 2 880 entrées pendant la semaine du 14 au 21 septembre 1983, ce très beau film fit le score le plus bas de tous les films égyptiens. Même si l’on tient compte de la chute de fréquentation du début des années 80 qui succédait à l’embellie des années 70, on note que, cette même année 1983, Sayed el Badaoui (1953) ou Antar le valeureux (1961), pourtant déjà programmés, frôlaient encore au Louxor les 5000 entrées hebdomadaires. Juste retour des choses, trente ans après, lors de l’inauguration du Louxor restauré, La Mémoire, une histoire égyptienne, fut projeté dans la grande salle, baptisée Youssef Chahine en hommage au réalisateur.

Les genres
Venaient en tête les films d’aventures historiques, l’équivalent égyptien des péplums italiens ou américains dont le public du Louxor des années 70 était friand : la série des Antar, ou Le Cavalier Ben Hamdan de Niazi Mostafa furent de beaux succès, tout comme les grandes fresques historiques (Les Mamelouks d’Atef Salem, Saladin de Youssef Chahine) et religieuses (L’Aube de l’Islam de Salah Abou Seif ou des biographies de grandes figures de l’islam (Sayed el Badaoui, La Soeur du Prophète, Rabaa la Bédouine). Parmi les films d’aventures, deux réalisations du grand cinéaste Henri Barakat, Le Prince de la Vengeance (ou Le Prisonnier de la tour) (1950) et Le Prince de la ruse (1964), sont des adaptations du Comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas, l’intrigue étant transposée dans un contexte égyptien.

Antar Ibn Chaddad (Antar le valeureux, 1973) – Le Prince de la Vengeance (1950) – Le Prince de la ruse (1964) Affiches : site Encyclocine.fr

Mais les comédies musicales avec Oum Kalthoum (Sallama de Togo Mizrahi) ou Farid el Atrache, la danseuse Samia Gamal ou d’autres grandes vedettes féminines comme Faten Hamama, sont également très présentes. Ces comédies sentimentales aux titres évocateurs s’enchaînaient : Mélodie dans ma vie, La Chanson éternelle, Comment t’oublier ?, La Chanson de mon amour, Le Temps de l’amour, Chanson d’espoir.

Comment t’oublier ? (Ezzai Ansaak de Ahmed Badrakhan, 1956) – Le Temps de l’amour (Zaman ya houbb de Atef Salem, 1973) – Le Feu du désir (Nar el Shok, de Mohamed Salem, 1970) Affiches : site Encyclocine.fr

Les autres genres représentés – films policiers, thrillers, comédies – sont en général des productions plus récentes des années 70 et rencontrent un succès plus mitigé.

Des films vus et revus
Certains des films étaient programmés à plusieurs reprises au Louxor en raison de leur succès et/ou de la popularité de leur vedette principale : ainsi Antar Ibn Chaddad (Antar le valeureux) de Niazi Mostafa, avec dans le rôle-titre Farid Chawki, revint quatre fois à l’affiche entre 1980 et 1983. Dans la même veine, La Fille d’Antar par le même Niazi Mostafa et toujours avec Farid Chawki, fit 10 000 entrées en mai 1979 et fut reprogrammé. Antar et la Conquête du désert eut droit à trois projections, comme Sayed el Badaoui, autre valeur sûre.

Les noms les plus souvent cités
De cette programmation égyptienne du Louxor émergent quelques noms d’acteurs et de cinéastes. Parmi les acteurs, la palme revient à Farid Chawki que l’on retrouve au Louxor dans une bonne quinzaine de films, notamment ceux de Niazi Mostafa, films d’aventures déjà cités plus haut mais aussi films policiers ou comédies. Il est suivi par l’acteur et chanteur Farid el Atrache, coqueluche du public égyptien, dont les films sentimentaux, même des années après leur sortie, trouvent encore un public fidèle. De grandes vedettes féminines étaient elles aussi adulées du public. Citons la présence à l’affiche du Louxor d’ Oum Kalthoum, Samia Gamal, Faten Hamama, Tahia Carioca, Souad Hosni, Kouka, Laila Fawzi.
Du côté des cinéastes, le plus souvent programmé est Niazi Mostafa, réalisateur prolifique, essentiellement représenté au Louxor par ses films d’aventures mais aussi par un long métrage d’un genre différent, Quai n° 5, un film policier. Ahmed Badrakhan est présent par ses nombreuses comédies musicales. Quant à Henri Barakat, outre ses deux adaptations du Comte de Monte Cristo déjà citées, le Louxor projette aussi plusieurs de ses films musicaux avec Farid el Atrache, Samia Gamal ou Faten Hamama.
Parmi les autres grands réalisateurs, Togo Mizrahi apparaît deux fois. Youssef Chahine a trois de ses films à l’affiche, le plus grand succès étant Djamileh (9 100 entrées), film sur la Guerre d’Algérie, programmé à deux reprises, et Saladin (8 600 entrées). Citons aussi Salah Abou Seif avec deux films à grand spectacle, Le Faucon (1950), film d’aventures, en co-production avec l’Italie et La Naissance de l’Islam (1971) ainsi qu’un film qui aborde des sujets de l’Égypte contemporaine, Le Menteur (1975).
 
II. Les productions ou co-productions libanaises

Certains films produits ou co-produits par le Liban ont également marqué la programmation du Louxor. Nous avons choisi d’en donner la liste dans le cadre de cet article dans la mesure où ils sont très proches par leur genre (fresque historique et religieuse notamment) de certains des films égyptiens cités plus haut.
Le film Belal el Habashi mérite une mention particulière pour avoir été programmé à cinq reprises au Louxor, la première fois en 1978 avec 11 000 entrées ! Belal (ou Bilal) el Habachi (1973) est un remake libano-turc d’un film égyptien de 1953, Bilal, le muezzin du prophète de Ahmed al Toukhi.

La carrière du film Belal el Habashi au Louxor de 1978 à 1983

Bilal el Habachi (1973) – Le Message (1977) Affiches : site Encyclocine.fr

Autre énorme succès et autre grande fresque sur l’Islam, la co-production Le Message (titre international Mohammad, Messenger of God, 1977) de Moustapha Akkad avec en vedette Anthony Quinn et Irene Papas, resta trois semaines à l’affiche au Louxor en mars 1978 et réalisa 26 800 entrées. Il fut reprogrammé deux fois en 1980 (avril et octobre). Sur le plan esthétique, le film a la particularité d’avoir été tourné en caméra subjective, contournant ainsi l’interdit religieux de la représentation du prophète.

Et deux Antar de plus…
Il faut ajouter à la liste des péplums réalisés par l’Egyptien Niazi Mostafa relatant les aventures d’Antar deux co-productions : Antar Cavalier du désert (1977, Liban-Syrie) de Mohamed Selmane et  Antar au pays des Romains (1974, Turquie-Liban) de Orhon Murat Ariburnu, (évoqués en ces termes par Hervé Dumont, ancien directeur de la Cinémathèque de Lausanne, dans son Anthologie du film historique : « Du cinéma-bis fauché pour très jeunes adolescents. Les costumes et armures des « Romains » (sans doute d’affreux Byzantins) sont carrément grotesques. »)  
Déjà présente dans La Fille d’Antar de Niazi Mostafa, la grande vedette Samira Tewfik est la plus souvent citée au générique des productions libanaises projetées au Louxor, aussi bien dans Antar Cavalier du désert de Mohamed Selmane ou d’autres films d’aventures exotiques comme Hasna el baddiah, (La Fille du désert ou La Belle Bédouine) et Les Conquérants de Farouk Agrama, mais aussi dans des mélodrames ou des comédies : Ghozlane de Samir al Gosheini,  La Belle du désert (Fatinat al Sahraa) et le film musical Enta Omri (Tu es ma vie) de Mohamed Selmane).

On peut consulter ici la liste des productions et co-productions libanaises projetées au Louxor de 1978 à 1983.

 Annie Musitelli © lesamisdulouxor.fr

Note
1- A partir de 1968, le Louxor baisse ses prix et s’oriente vers la projection de films destinés à attirer les nombreux immigrés qui vivaient à Barbès ou fréquentaient le quartier : le cinéma propose d’abord des films d’actions (westerns italiens, films de guerre, péplums) puis intègre à partir de 1974 de nombreux films algériens (ou sur la guerre d’Algérie), des films tunisiens, marocains et, à partir de 1978, égyptiens. Lire aussi à ce sujet nos articles :  Projection-débat autour du film La Bataille d’Alger
et Farid El Atrache retrouve l’écran du Louxor : 15 janvier 2016 : « Nuit égyptienne »

Programmation :
Sources : CNC (Direction du cinéma), L’Officiel des spectacles 1978-1983 (BNF)
Pour en apprendre davantage sur les films, on peut consulter l’ouvrage Égypte, 100 ans de cinéma de Magda Wassef,  Editions Plume : Institut du monde arabe, 1996. 
Voir aussi, entre autres, les sites Encyclo-ciné, IMDB, Encyclopédie du film historique.