La très riche exposition de l’institut du monde arabe, « Divas, d’Oum Kalthoum à Dalida », nous fait découvrir des artistes qui, dès les années 20, ont conquis une place éminente dans le paysage culturel égyptien.
La première partie de l’exposition évoque une réalité peu connue, celle de mouvements féministes actifs qui commençaient à s’organiser en Égypte dans les années 1920, publiaient des revues, participaient à des colloques internationaux. Certaines artistes se sont très tôt affirmées dans le cinéma muet alors émergent mais c’est surtout après l’avènement du cinéma parlant (et chantant) que ces actrices et chanteuses ont connu leur heure de gloire et soulevé l’enthousiasme populaire. Actrices de légendes, ces femmes déterminées et talentueuses ont aussi contribué, en s’imposant à l’égal de leurs partenaires masculins (on pense à Farid el Atrache dont le nom reste associé à celui du Louxor), à faire évoluer non seulement la vie artistique mais aussi la société égyptienne des années 1950 aux années 1970.
Ces divas ont été régulièrement à l’affiche du Louxor à partir de la fin des années 70. La salle de Barbès, frappée, comme tous les cinémas de quartier, par une baisse inquiétante de fréquentation, modifia alors sa programmation « grand public » pour projeter, avec un succès considérable, des films égyptiens qui redonnèrent au Louxor un second souffle. Du moins pour quelques années.
Ces films, datant pour la plupart des années 1950, voire plus anciens (Chanson d’espoir, d’Ahmed Badrakhan date par exemple de 1937), arrivaient au Louxor avec des années de retard. Qu’importe, que ce soit dans des films d’aventures historiques (comme la série des Antar) ou surtout dans les comédies sentimentales qui s’enchaînaient (Mélodie dans ma vie, La Chanson éternelle, La Chanson de mon amour, Le Temps de l’amour, Chanson d’espoir), les stars de la chanson et du cinéma égyptiens – Oum Kalthoum, Samia Gamal, Faten Hamama,Tahia Carioca, Souad Hosni – ont fait vibrer la vaste salle du Louxor qui connut alors une hausse de fréquentation exceptionnelle.
Oum Kalthoum, la plus célèbre de ces divas, se détourna du cinéma dès la fin des années 1940 pour se consacrer entièrement à sa carrière de chanteuse. Son dernier film, Fatma, est tourné en 1947. Mais elle exerce une telle fascination qu’en 1979 — trente ans après la sortie de ses films ! — les spectateurs du Louxor se précipitent pour la retrouver dans trois de ses plus grands succès : pendant la semaine du 26 septembre 1979, on projette Chanson d’espoir (film de 1937) d’Ahmed Badrakhan, puis (semaine du 11 juillet) Dananir du même réalisateur, et (semaine du 7 février) Sallama (1945) de Togo Mizrahi. Ils peuvent aussi écouter la voix de la diva dans le film de Niazi Mostafa, Rabia al Adawiyya (1963) dont elle interprète les chansons (semaine du 10 février 1982). Quant à Aïda, Chanteuse du Nil, (1942) réalisé par Ahmed Badrakhan, il n’a jamais été projeté au Louxor malgré son titre alléchant ! Oum Khaltoum y incarne une jeune cantatrice qui interprète le rôle d’Aïda dans l’opéra de Verdi. Mais il semble que la chanteuse ait demandé la suppression de toute une partie du film qui d’ailleurs ne rencontra pas le succès habituel des films d’Oum Khaltoum.
Pour en savoir davantage sur cette facette de la programmation du Louxor, on pourra consulter les articles déjà publiés sur notre site :
Films égyptiens et libanais programmés au Louxor de 1978 à 1983
Farid El Atrache retrouve l’écran du Louxor (15 janvier 2016 : la « Nuit égyptienne » du Louxor)
La « sortie au cinéma » en Egypte 1930-1980 : interview de de Marie-Claude Bernard à propos de son livre, La sortie au cinéma, Palaces et ciné-jardins d’Egypte 1930 – 1980. Elle y relate la période faste qui s’étend des années 1930 aux années 1970, pendant laquelle le public affluait dans les très nombreuses salles de cinéma dont l’Égypte était dotée.