Le cinéma Louxor a été sélectionné pour figurer dans le cadre d’une intéressante exposition sur les façades remarquables : Trésors de décors, façades d’Île-de-France, qui propose de découvrir les ornements des façades de nos bâtiments publics et de décrypter les grandes tendances ornementales du XIXe et du XXe siècle en en présentant les techniques, artistes et artisans. Le Musée d’Histoire Urbaine et sociale de Suresnes (MUS), qui organise cette exposition, est installé depuis juin 2013 dans l’ancienne gare de Suresnes-Longchamp entièrement réaménagée. Il y présente l’histoire de la ville, de son paysage urbain ainsi que son évolution sociale et économique.
L’exposition souhaite inciter le visiteur à se poser des questions sur la diversité des décors des équipements publics d’Île-de-France mais aussi sur la relation de ces ornements à l’architecture. Cette thématique se veut innovante, le sujet n’ayant encore jamais été traité dans des publications académiques ou des expositions. Afin d’évoquer des décors « en place », différents types d’œuvres sont réunis : plans, dessins, estampes, collections de Beaux-Arts mais aussi productions manufacturées et outils spécialisés, généralement peu représentés en contexte muséal.
On peut ainsi découvrir les grands courants décoratifs en France, de la seconde moitié du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale. Au-delà d’une expérience esthétique, explorer le décor des bâtiments, c’est retrouver le goût artistique d’une époque, décrypter l’iconographie, rencontrer des artistes et assister à l’essor des techniques industrielles : sculpteurs, ferronniers mais aussi entreprises de céramiques architecturales seront à cette occasion évoqués à travers des exemples de leurs réalisations.
Inspiration antique et conventionnelle de la deuxième partie du XIXe siècle, folie décorative des années 1900, exaltation du naturalisme dans les ornements de l’Art nouveau, éloge du lisse et des éléments rectilignes du modernisme et de l’Art déco… Cette promenade architecturale toute en couleurs invite le visiteur à comprendre les décors remarquables d’édifices emblématiques aux quatre coins de l’Île-de-France : du théâtre des Champs-Élysées (Paris) avec l’architecture en béton d’Auguste Perret et les hauts-reliefs d’Antoine Bourdelle, à l’école Vaillant-Jaurès (Suresnes), œuvre de l’architecte Alexandre Maistrasse avec des décors de l’entreprise Boulenger, ou aux Bains Douches de Bondy conçus par l’architecte municipal Marius Tranchant avec des mosaïques de Philippe Mazzioli, et bien sûr aussi le Louxor avec les mosaïques à l’égyptienne de Gentil et Bourdet qui couvrent ses façades.
Le maire de la ville, Guillaume Boudy, fervent urbaniste, se plaît à souligner : « À l’heure où de nombreuses constructions se développent sur l’Île-de-France, cette exposition nous rappelle que chaque intervention sur les façades ou sur les toitures compte et participe à l’harmonie du paysage urbain. Au cœur de nos villes, l’intérêt particulier et l’intérêt général doivent être conjugués pour créer le cadre de vie que nous y recherchons tous ». Il aurait apprécié, comme son prédécesseur Henri Sellier (1919-1941), la mixité de l’équipe qui a réalisé le Louxor. Immigrés ou enfants d’immigrés installés à Paris, trois hommes ont uni leurs efforts pour concevoir et construire ce nouveau « Palais du cinéma ». L’homme d’affaires Henri Silberberg (1866-1921), né à Paris dans une modeste famille juive ashkénaze émigrée d’Europe centrale, est le maître d’ouvrage du projet. L’architecte Henri Zipcy (1873-1950), né à Constantinople, diplômé de l’École nationale des Beaux-Arts de Paris, en conçoit les plans et en est le maître d’œuvre. Enfin, le peintre décorateur Amédée Tiberti, Italien né à L’Aquila (1883-1978), en assure l’ornementation intérieure. L’art de mosaïste de la société Gentil et Bourdet contribue largement à donner à la nouvelle salle une identité forte, renforcée par l’interprétation Art déco des éléments égyptiens antiques qui la décorent. Le Louxor et ses décors s’intègrent donc parfaitement dans le concept de l’exposition.
Les décors architecturaux sont polymorphes et très nombreux en Île-de-France : immeubles, demeures, usines, entrées du métropolitain… L’exposition se concentre sur les édifices publics, accessibles à tous sur le territoire et pour lesquels on peut suivre l’évolution de la relation entre les pouvoirs publics, l’architecte et le décorateur grâce à des sources plus abondantes. L’exposition entraîne ainsi ses visiteurs dans une promenade architecturale aux quatre coins de l’Île-de-France afin de comprendre, à travers une série d’édifices publics emblématiques, ce que le décor de leurs façades représente. Les quatre types d’équipements retenus sont les hôtels de ville et bâtiments administratifs, les établissements d’éducation, les lieux d’hygiène et de soins et enfin les édifices de spectacle. Un équipement suresnois au décor remarquable est présenté dans chacune des catégories.
« Mettant en œuvre des matériaux variés, jouant avec les ombres par leurs reliefs, ces décors transforment la lumière par leurs couleurs et attirent l’œil par leur foisonnement ou au contraire par leur emplacement savamment choisi » expliquent Émeline Trion et Cécile Rivière, commissaires de l’exposition, qui souhaitent que celle-ci incite les visiteurs à plus souvent lever les yeux de leurs téléphone portables, afin de profiter pleinement des façades de nos villes…
Au-delà de l’expérience esthétique, l’exposition propose de décrypter le goût artistique et l’iconographie d’une époque, de connaître leurs artistes et d’assister à l’essor des techniques industrielles. La présentation des réalisations de grands noms de la sculpture, comme Antoine Bourdelle et René Letourneur, est ainsi complétée par celle des artisans d’art ayant marqué leur siècle et par l’évocation de l’industrialisation des techniques de production des matériaux au travers d’une présentation inédite des créations d’entreprises, aujourd’hui disparues et pourtant omniprésentes dans l’architecture francilienne, comme Gentil & Bourdet ou Fourmaintraux.
Exposition du 18 octobre 2023 au 23 juin 2024,
au musée d’Histoire urbaine et sociale de Suresnes
1 place de la gare Suresnes-Longchamp
Directrice/Conservatrice en chef : Marie-Pierre Deguillaume
Scénographie : Utopik design
Commissaires : Emeline Trion et Cécile Rivière
Photos © Cécile Barbier / Musée de Suresnes
Prêteurs : musée des Arts et métiers, du centre d’archives d’architecture contemporaine de la Cité de l’architecture et du patrimoine, du musée des Années Trente de Boulogne-Billancourt et du MUDO – musée de l’Oise à Beauvais, et de nombreux autres prêteurs.
Une conférence sur le Louxor sera donnée au musée par Philippe Pumain et Jean-Marcel Humbert le jeudi 18 janvier 2024.
L’exposition se déploie sur le territoire grâce à des balades urbaines à Suresnes et dans les villes voisines, des animations développées avec les artisans d’art de la galerie La Verrière et un cycle de conférences, d’ateliers et de visites au MUS.
Expositions en cours et activités du musée.
Programmation détaillée : Expo Trésors de décors – Programmation