« Antiquité et Cinéma » à la Fondation Pathé

L’Antiquité a inspiré nombre de créations cinématographiques très diverses, de l’époque du cinéma muet jusqu’au XXIe siècle. L’exposition « Antiquité et Cinéma » présentée actuellement à la Fondation Pathé se propose d’explorer cet univers, et met ainsi en valeur les immenses ressources de son propre fonds d’archives mais aussi des œuvres provenant d’autres collections, françaises ou étrangères.
Puisque nous sommes sur le site des Amis du Louxor, rappelons que le péplum, divertissement familial par excellence, fut un genre très populaire au Louxor avant sa fermeture par Pathé en novembre 1983, faisant salle comble alors que la programmation « classique » ne parvenait plus à attirer le public de Barbès. Mais si le péplum connaît son apogée de 1947 à 1965, il est surtout programmé au Louxor après 1960, dans l’espoir de redresser la fréquentation et sauver cette salle de quartier menacée de fermeture. Les péplums, au côté des films d’action, des westerns italiens et des films dit « exotiques » permettront au Louxor de survivre encore quelques années.

Affiche de l’exposition : Steve Reeves en Hercule © Fondation Pathé

L’exposition présentée à la Fondation Pathé ne se contente pas d’évoquer l’émergence du péplum et l’âge d’or des studios hollywoodiens ou italiens dont les héros et héroïnes — Cléopâtre, Spartacus, Samson et Dalila, Hercule, Néron, Néfertiti — ont fait rêver des milliers de spectateurs de tous âges. Elle rappelle aussi l’éclipse totale du péplum à partir de 1965 puis sa résurrection récente, sous des formes parfois inattendues — blockbusters à l’américaine (Gladiator, Troie) ou film au ton loufoque ou parodique (les Monty Python avec leur Vie de Brian ou le long métrage français Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre).

Le visiteur est accueilli par un char romain, utilisé pendant le tournage de Ben Hur (1959), se détachant sur fond d’une magnifique affiche du film de William Wyler.

Char provenant des collections du Musée Cinéma et Miniature de Lyon. © Fondation Pathé


Présentés en bonne place eux aussi dans le hall d’entrée, les costumes d’Asterix et Obélix, l’Empire du milieu (2002), de Guillaume Canet proviennent des collections de la Fondation Pathé. Créés par Madeline Fontaine, ils sont inspirés de l’univers vestimentaire conçu par Goscinny et Uderzo, et des collections d’art romain et chinois détenues par les musées. La robe en perles de Cléopâtre est ainsi inspirée « d’un modèle conservé au Louvre ».

Costumes d’Astérix et Cléopâtre, l’Empire du milieu. © Fondation Pathé


A l’étage, les robes des deux plus célèbres Cléopâtre (Elizabeth Taylor et Claudette Colbert), les bijoux de cinéma de Theda Bara, le costume de Lana Turner dans Le Fils prodigue, le bouclier et l’épée de Brad Pitt, tous ces objets sont présentés en regard de très nombreuses photos et affiches puisées dans les richesses des collections de la Fondation Pathé, de la Cineteca de Bologne, de la Cinémathèque française mais aussi du musée Cinéma et Miniature de Lyon et de collections privées.

Affiche de Cleopatra de J. Gordon Edwards (1917) et bijoux portés par Theda Bara dans ce film.© Fondation Pathé

 

Costume de Lana Turner dans Le Fils prodigue, de Richard Thorpe (1955).© Fondation Pathé

 

Robes portées par Claudette Colbert dans Cléopâtre (1934) de Cecil B. DeMille.© Fondation Pathé

A gauche, la robe égyptienne est en lamé noir et argent. A droite, la robe égyptienne, inspirée des années 30, est en satin de soie vert. La couleur de cette dernière peut paraître un peu étrange, mais elle avait été choisie, comme pour tous les autres costumes, pour s’adapter au noir et blanc.

Cléopâtre (1963), robes portées par Elizabeth Taylor, créations attribuées à Renié, réalisées par Ruggero Peruzzi (collection Costumi d’Arte, Rome).© Fondation Pathé

Les grandes affiches de films de l’âge d’or des studios rappellent aussi le rôle joué par la couleur à partir des années 50 avec l’arrivée du Cinémascope et de l’écran large. Les réalisateurs s’emparent de ce nouveau format et apportent un soin particulier au traitement de la couleur, faisant travailler de grands décorateurs comme Alexandre Trauner (voir ci-dessous).

La Terre des Pharaons (1955) de Howard Hawks. Maquette de décor d’Alexandre Trauner (Collection La Cinémathèque française) © Fondation Pathé

L’exposition souligne que la campagne de publicité du film La Tunique (The Robe, 1953) de Henry Koster vante les vertus du format Scope (c’était le premier film dans ce format) et l’attention particulière qui a été portée au rendu des couleurs.

© Fondation Pathé

Féerie des couleurs, tuniques chatoyantes, paysages exotiques sur grand écran : le Cinémascope fait du péplum un cinéma d’aventures propre à éblouir le spectateur et à magnifier les exploits du héros — rusé comme Ulysse, d’une force physique hors du commun comme Samson, guerrier accompli comme Achille, tous font face à de redoutables épreuves qu’ils affrontent vaillamment… Quant aux femmes, même si le personnage mythique de Cléopâtre leur fait de l’ombre, d’autres héroïnes — Hélène, Néfertiti, Dalila, Theodora — crèvent l’écran elles-aussi en guerrières, séductrices ou meurtrières, surtout lorsqu’elles sont incarnées par des stars aussi troublantes que Claudette Colbert, Liz Taylor, Gina Lollobrigida, Antonella Lualdi ou Gianna Maria Canale.

Ces aventures, qui ne s’embarrassent pas toujours de la « vérité historique » ou du respect des sources antiques, mettent d’abord en valeur la musculature impressionnante du héros. Des photos d’archives viennent rappeler que le temps du péplum fut aussi l’ère des « bodybuilders ». Steve Reeves (« Mr. Univers » 1950), omniprésent dans le péplum italien, est ainsi interviewé dans Cinémonde (mars 1964) qui ne nous laisse rien ignorer de ses mensurations. Victor Mature en est un autre exemple, ou encore Kirk Morris (en réalité Adriano Bellini), héros de Maciste all’inferno de Riccardo Freda (1962), repéré par les studios italiens en 1961 dans le milieu culturiste.

Steeve Reeves Cinémonde (n° 1546 mars 1964, Collection Pathé) -Victor Mature
© Fondation Pathé

Plusieurs écrans projettent en boucle des extraits de films représentatifs des différentes époques du péplum. La période du cinéma muet, d’abord, déjà bien documentée grâce à des vitrines exposant des photos, est illustrée de divers extraits des premières productions Pathé : courts drames amoureux, films bibliques à partir de 1903 puis, à partir de 1910, adaptations d’ouvrages à succès comme La Momie (Henri Desfontaine,1911), d’après Allan Poe, récits tirés de l’Antiquité : La Vestale (Albert Capellani, 1908), Cléopâtre (Ferdinand Zecca et Henri Andréani 1910), La Vengeance de Licinius (Georges Denola, 1912).

Le temps du cinéma muet (© collections Fondation Pathé)

Arrive le cinéma parlant, évoqué par des extraits des films Le signe de La Croix, 1932, ou Cléopâtre, 1934, tous les deux de Cecil B. DeMille et avec Claudette Colbert.
Sur d’autres écrans défilent des extraits des grands classiques des années 50 et 60 parmi lesquels Quo Vadis (1951), Theodora impératrice de Byzance (1954), La Terre des Pharaons (1955), Ulysse (1954), Spartacus (1960) ou encore Romulus et Rémus (1962).

Mais au milieu des années 1960, le péplum et les exploits de ses éternels héros finissent par lasser le public. Sans compter que la démesure de certains projets et les gouffres financiers qu’ils entraînent (on pense au Cléopâtre de Mankiewicz en 1963) amènent à remettre en question ce type de superproduction. Le péplum disparaît des écrans. Aurait-il irrémédiablement disparu ? Pas vraiment puisque le voilà qui réapparaît au début du XXIe siècle ! Gladiator de Ridley Scott en 2000, Troie de Wolfgang Petersen et Alexandre d’Oliver Stone en 2004, puis Gladiator 2 en 2024, sans oublier la série télévisée Rome (2005-2007) trouvent encore leur public (ou trouvent un nouveau public) en mobilisant des stars comme Russell Crowe, Brad Pitt, Angelina Jolie, Colin Farrell et en recourant à des effets spéciaux spectaculaires.

Gladiator de Ridley Scott (2000)

Le bouclier d’Achille (Brad Pitt) dans Troie (2004) – Collection Musée Cinéma et miniature de Lyon

Parmi les films du XXe siècle, on peut s’étonner cependant de trouver une scène du Satyricon de Fellini et une autre de L’Évangile selon Saint Mathieu de Pasolini. Dommage que ces grands cinéastes soient cités « en passant », au côté d’Alexandre ou de Gladiator, alors que leur vision de l’Antiquité mériterait quelque analyse et mise en perspective.
Le visiteur a également droit à de réjouissants extraits de « faux péplums » loufoques, irrespectueux, farfelus, comme La Folle histoire du monde (1981) de Mel Brooks ou Deux heures moins le quart avant Jésus Christ (1982) de Jean Yanne.

Enfin, pour compléter cette immersion dans un siècle de péplums, un cycle de films muets en ciné-concert est proposé du 26 février au 8 avril 2025 avec des productions du cinéma muet provenant d’Italie, des États-Unis, d’Autriche ou de France, ainsi que les dernières restaurations de la Fondation.

L’exposition « Antiquité et cinéma » est visible à la Fondation Pathé, 73 avenue des Gobelins, 75013 jusqu’au 29 mars 2025.

Note
Spécificité du Louxor, à partir de 1979 et jusqu’à sa fermeture en 1983, ce cinéma programme une catégorie de péplums non évoquée dans l’exposition Pathé : les péplums égyptiens, libanais (ou en co-production) relatant l’épopée d’Antar le valeureux. (Antar Ibn Chaddad ou Antar le valeureux (1961), Antar et la conquête du désert (1969) de Niazi Mostafa, Antar cavalier du désert (1977) de Mohamed Selmane, Antar au pays des Romains (1974) de Orhon-M. Ariburnu.

Voir sur notre site l’article : Liste des péplums programmés au Louxor