L’œil mystérieux du Louxor

« Obey, never trust your own eyes, believe what you are told ». Traduction littérale : « Obéissez, ne vous fiez pas à vos yeux, croyez ce qu’on vous dit » .

Étrange injonction sur une affiche tout aussi surprenante, placardée sur le Louxor pendant une quinzaine de jours puis retirée le 14 octobre. Quel sens donner à  cet œil énorme, noir sur fond rouge, qui  semblait veiller sur le carrefour Barbès ? Qui nous commandait l’obéissance ?

Louxor, côté boulevard Magent : affiche "Obey"

Louxor, côté boulevard Magenta : affiche «Obey»

Et sur ce bâtiment égyptisant, comment ne pas songer aussi à l’œil oudjat ou œil d’Horus des anciens Egyptiens ? Un symbole protecteur, alors, quasiment un porte-bonheur …

oOeil oudjat, 945-715 av. J.-C. Paris, Musée du Louvre © Musée du Louvre

œil oudjat, 945-715 av. J.-C. Paris, Musée du Louvre © Musée du Louvre

Intrigués autant par le graphisme de cette affiche que par son message,  nous avons mené une petite  enquête.

Ce Big Brother est un exemple du travail artistique ( connu sous le nom de  « Obey » ) de l’américain Shepard Fairey, « street art artist » réputé,  qui a lancé en 1989 aux Etats-Unis la campagne d’art urbain «Obey Giant». Il se trouve justement qu’une exposition sur le Street Art, intitulée « Né dans la rue », à laquelle participe notamment Fairey,  a lieu actuellement  à la Fondation Cartier.  On note que le symbole de l’étoile inscrite dans le cercle figurant au centre de « l’œil du Louxor » se retrouve régulièrement sur les affiches  de la campagne « Obey » désormais célèbres aux Etats-Unis. Plusieurs d’entre elles, dont celle du Louxor,  sont visibles sur le site de Obey Giant.
Shepard Fairey a beaucoup pratiqué le  détournement  d’œuvres d’art ou d’affiches politiques. Au point de se voir accusé de plagiat : on peut lire à ce sujet un article   intéressant [  » Obey Plagiarist Shepard Fairey « . A critique by artist Mark Vallen ] où sont reproduites côte à côte les œuvres originales  et les affiches de Shepard  Fairey.

Prenons deux exemples trouvés sur ce site Internet : la première  » s’inspire  » directement d’une illustration de 1901 de Koloman Moser, artiste de la Secession viennoise, pour la couverture du magazine Ver Sacrum. Dans le second exemple, «Wage Peace : Obey » , c’est une affiche de 1971 du Young Lords Party qui est détournée. Mais dans tous les cas, on reconnaît sans peine le motif de l’étoile qui figurait sur l’affiche du Louxor.

Détournement de l'illustration de Koloman Moser

 

Détournement d'une affiche de 1971 du Young Lords Party

La célèbre affiche  bleu, blanc, rouge  de Barack Obama, intitulée Hope,  a largement contribué à populariser le travail de Shepard Fairley qui a fait l’objet d’une récente rétrospective à l’Institute of contemporary Art de Boston.

Comment l’affiche de Shepard Fairley s’est-elle retrouvée sur le Louxor ? Y avait-il une raison particulière à ce choix ? Peut-être l’artiste a-t-il saisi l’occasion de son passage à Paris pour afficher ses œuvres là où elles sont destinées à être : sur les murs de la ville.

© Les Amis du Louxor