L’exposition Bollywood Superstars, histoire d’un cinéma indien, que propose jusqu’au 14 janvier 2024, le musée du Quai Branly, présente un intérêt tout particulier pour ceux qui se sont intéressés à l’histoire du Louxor ou l’ont fréquenté à la fin des années 1970 et pendant les années 1980, lorsque le cinéma de Barbès projetait devant une salle comble des films indiens de langue hindi (on ne parlait pas encore de « Bollywood »), sous-titrés en français et en arabe.
Dans les années 1970, le Louxor avait d’abord orienté sa programmation vers les films égyptiens, libanais, algériens (notamment les films consacrés à la guerre d’Algérie) qui rencontraient un immense succès auprès des très nombreux immigrés qui habitaient ou fréquentaient le quartier Barbès. Entre 1970 et 1979, on trouve un seul film indien (programmé à 4 reprises) : le célèbre Aan ou Mangala fille des Indes, sorti en 1952. Ce n’est qu’à partir de la fin de l’année 1979 que le Louxor consacra une large part de sa programmation aux films indiens dans lesquels jouaient les plus grandes stars du cinéma hindi, films populaires qui séduisaient, par leur intrigue romanesque, la musique, les danses, le même public de travailleurs immigrés et de leurs familles qui avaient applaudi les films musicaux égyptiens avec Farid El Atrache (voir ce témoignage et un entretien publiés sur notre site en 2010).
Beaucoup de ces films étaient sortis en Inde dans les années 70 et parfois beaucoup plus tôt, comme Aan (1952) ou Mother India (1957), mais on trouvait aussi des productions récentes, comme Qurbani ou Sholay avec les nouvelles stars du cinéma hindi qu’un public d’habitués attendait impatiemment. Qurbani fut d’ailleurs programmé deux semaines d’affilée, fait rarissime au Louxor à une époque où le programme changeait toutes les semaines.
En 1980, on note dix-neuf films indiens, puis trente-deux en 1981, trente en 1982, trente (sur quarante-trois semaines d’exploitation seulement) en 1983, année de la fermeture. A côté de Aan (Mangala, fille des Indes) programmé 7 fois (le record), d’autres succès (Sholay, Qurbani, étaient programmés plusieurs fois. (On trouvera ici la liste des films indiens programmés au Louxor ainsi que leur date de programmation.)
Et c’est avec le film indien Qaid que le Louxor ferma définitivement ses portes le 30 novembre 1983, après la vente de la salle par Pathé.
Un autre cinéma de Barbès, le Delta, connut la même évolution. Fermé en 1985, deux ans après le Louxor, il s’était spécialisé lui aussi, à la même époque, dans le cinéma indien et attirait le même public que le Louxor : « un public familial d’habitués, pour les trois quarts des Maghrébins. Ils habitent le quartier ou viennent en famille le samedi ou le dimanche. La minorité, c’est le public pakistanais et indien, peu situé dans le quartier mais qui vient voir ici ou au Louxor les films qui le concernent. Ce type de publics, très fidélisés, nous obligent à changer chaque semaine le programme. » (Interview du directeur du Delta par Christian Bosséno et Hassina Boulesbaa, revue CinémAction, janvier 1983)
L’exposition Bollywood Superstars, histoire d’un cinéma indien permet de découvrir les origines du cinéma indien et sa longue histoire— des films muets des années 1920 jusqu’à nos jours — portée par une industrie puissante capable de produire plus 1500 films par an et de les exporter dans le monde entier.
Scénographie « immersive », costumes, photographies, évocation des superstars bollywoodiennes, mais aussi projections sur grand écran, l’exposition a de quoi séduire aussi bien les passionnés de Bollywood que les visiteurs qui souhaitent découvrir un nouvel univers.
L’exposition s’accompagne d’une programmation variée : concerts, spectacles, visites organisées, et même des cours de danse…
Le catalogue
Texte de présentation (site du musée du Quai Branly)
« La puissance d’une iconographie ou d’un Saint est généralement véhiculée par le « regard » (darshan en sanskrit, littéralement « visionner »). L’importance particulière de la vue a sans doute contribué à placer les arts visuels au cœur de la société indienne et de la culture populaire à ce jour. La sortie d’un film et le culte des acteurs en Inde, vus comme des héros, suscite une ferveur comme nulle part ailleurs au monde. A l’époque coloniale du Raj britannique, l’Inde s’approprie les nouvelles technologies de l’image au fur et à mesure de leur invention. Dès la fin du XIXe siècle, des séries d’impression en polychrome, et la photographie se penchent sur les sujets et les conventions de la peinture, bien avant l’avènement des images animées. Dès les années 1920, les premiers films s’inspirent de sujets mythologiques et le style dramatique des images populaires produites par les studios de l’artiste Ravi Varma. Une décennie plus tard, avec les films parlants, les comédies musicales font leur apparition, et deviennent le genre dominant.
L’Inde est aujourd’hui le premier producteur de films au monde, avec plus de 1 500 films par an traduits dans une vingtaine de langues exportée dans toute l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique. Le succès international de Bollywood ne doit pas occulter la diversité de la cinématographie indienne. »
Cette publication, dirigée par Julien Rousseau et Hélène Dessous du Musée du Quai Branly – Jacques Chirac, présente des textes académiques, ainsi que des images d’un cinéma indien multiculturel : les mouvements Bollywood, Kollywood, Tamil, Bengali sont abordés dans cette publication.
Publié à l’occasion de l’exposition éponyme au Louvre Abu Dhabi et au Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris, en 2023.
Édition Kaph, 2022, 176 p., 40 €
Musée du quai Branly – Jacques Chirac
jusqu’au 14 janvier 2024
10h30-19h00
Seule la réservation d’un créneau horaire dédié garantit l’accès.