Regards de lycéens sur le Louxor
« L’échappée belle »… C’est le thème sur lequel travaille cette année le groupe de lycéens que nous avons rencontré à l’invitation de Christine Vidal et Valentine Guillien, respectivement responsable et coordinatrice de la Fabrique du Regard, plate-forme pédagogique du BAL. Dédié à l’image documentaire sous toutes ses formes, le BAL est désormais bien installé dans le paysage culturel parisien, à deux pas de la Place Clichy et du Cinéma des cinéastes.
Dans le cadre du programme, « L’image en partage », mené en collaboration avec la Fondation Culture & Diversité, vingt-deux lycéens de classe de 1ère, venus de toute l’Île-de- France et tous volontaires (les ateliers ont lieu à Paris et en dehors du temps scolaire !), travaillent pendant toute une année scolaire sur une thématique choisie par un artiste, et qui aboutit à une publication. Cette année, c’est Marcelline Delbecq qui dirige cet atelier et en a proposé le thème.
La découverte du Louxor
Au départ, ils sont partis à la recherche d’espaces en transition, de « friches » – autant d’endroits qui ont une histoire, une mémoire, mais sont en attente d’un devenir, par exemple dans le cadre d’une reconstruction ou d’une restauration : des lieux qui se prêtent ainsi à la projection de fictions. Car l’ « échappée belle » des lycéens du BAL n’aboutira pas un reportage de type journalistique mais à une œuvre collective originale, libre recréation de la réalité découverte au cours de leur parcours et soigneusement archivée – photos, textes, vidéos, etc.
Il était tout naturel qu’ils rencontrent en chemin le Louxor, ce rescapé des palais du cinéma, qui l’a, c’est le cas de le dire, échappé belle… Ils l’ont découvert le 14 janvier, saisi en plein chantier pendant ce moment éphémère où les traces du passé se recouvrent et l’avenir se dessine. L’architecte Philippe Pumain les a menés des entrailles du Louxor jusqu’à la terrasse dont ils ne soupçonnaient pas la vue saisissante sur les toits de Paris, les magasins Tati et la Butte Montmartre.
Si le Louxor n’est qu’un des lieux visités pendant leur parcours, c’est pourtant celui que leur travail va privilégier. Il les a immédiatement séduits et intrigués. Eux aussi. Car est-ce un hasard si le Louxor a déjà inspiré à Jakuta Alikavanovic un roman énigmatique Le Londres-Louxor ?
Photos, vidéos, dessins, textes, leur moisson était déjà riche à l’issue de leur visite du bâtiment mais ils ont souhaité la compléter en nous interrogeant. Nous les avons rencontrés deux fois : la première pour leur permettre, lors d’une intervention illustrée de nombreuses projections, de découvrir et de décrypter les décors du Louxor.
La seconde à la Maison des Associations du 18e arrondissement, pour leur apporter notre témoignage sur l’histoire du cinéma et de son sauvetage.
Que représentait pour nous le Louxor ? Pourquoi nous sommes-nous battus ? Combien de temps a-t-il fallu ? Qu’avait-il de particulier, ce cinéma Louxor, pour ainsi susciter des passions ? C’est de tout cela qu’il fut question et l’intérêt palpable de ces très jeunes gens pour la survie d’un cinéma abandonné montre qu’ils étaient parfaitement sensibles à l’enjeu que représente sa renaissance.
Les photos qu’ils nous ont envoyées, les éléments qu’ils ont privilégiés dans ces images, témoignent de la fraîcheur de leur regard, libre de toute contrainte documentaire et sensible aux aspects insolites ou inattendus des espaces visités. Une façon radicalement nouvelle d’aborder la traditionnelle « visite de chantier » ! Sans doute leur rencontre avec les artistes Dector et Dupuy qui travaillent sur les traces et les vestiges (graffitis, affichage, objets abandonnés) laissés dans l’espace public, les a-t-elle, aussi, bien préparés à ce travail qui doit mêler archivage et fiction.
Il leur restait ensuite, à partir de la somme d’images, de récits, de souvenirs, de documents de toute sorte recueillis au cours de leurs visites et de leurs rencontres, à donner forme, par un travail collectif sous la conduite d’intervenants divers, à leur propre fiction. Ils ont déjà bien avancé: après une première semaine de travail intensif à La Source dans l’Eure, ils ont travaillé à Paris pendant toute la première semaine des vacances de février avec le duo de graphistes Office ABC et ont déjà créé un blog conçu comme un lieu d’archivage de tout le travail réalisé (articles, photos, vidéos).
Quant à la publication finale, l’idée d’un « atlas d’images» émerge, dont les pages, dissociées, ou assemblées en un livre à feuilleter, viendraient composer le paysage mental de leur aventure.
Mais réservons-nous le plaisir de la découverte. L’exposition de restitution des ateliers de la Fabrique du Regard aura lieu lundi 4 et mardi 5 juin, au BAL. Nous en reparlerons.
Annie Musitelli ©lesamisdulouxor.fr
Nous remercions vivement Christine Vidal, Valentine Guillien et les auteurs des photos de nous avoir autorisés à les publier.