Entretien avec Philippe Pumain, 8 juin 2012
À moins d’un an de la réouverture du cinéma, où en sont les travaux du Louxor ? L’architecte Philippe Pumain, qui était intervenu à l’occasion de notre assemblée générale de mars 2012, a accepté de répondre à nos questions, le 8 juin, et de faire un nouveau point sur l’état des travaux. Nous le remercions vivement de sa disponibilité qui permet à notre association de donner des informations régulières sur l’avancement du chantier.
À moins d’un an de la réouverture du Louxor, où en sont les travaux ?
Nous sommes arrivés à la phase de finition, à l’exception de certaines zones comme le porche qui, lui, sera traité à la fin car c’est un lieu de passage incessant.
Pouvez-vous nous parler d’abord de l’extérieur du bâtiment ?
Les échafaudages ont été montés dans la cour intérieure mitoyenne des immeubles d’habitation et le ravalement est en cours. Cette façade ne se voit pas depuis l’espace public mais doit évidemment être traitée. Au niveau des façades sur rue, la pose des mosaïques manquantes a commencé : la pose de ces motifs préparés en atelier se fait assez rapidement ; c’est ainsi que la frise de la corniche du côté du boulevard de la Chapelle est déjà restituée.
Sur cette même façade, on est en train de terminer les reprises de granito. Il y avait d’énormes manques, des trous, des parties abîmées, et il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas de contraste trop marqué entre les parties anciennes et les restitutions. C’était techniquement difficile mais le résultat sera très beau.
Est-ce la même entreprise qui s’occupe des mosaïques et des murs ?
Oui. La société SOCRA assure la rénovation de toutes les façades : les mosaïques mais aussi le revêtement en granito. Elle va maintenant s’attaquer à la restitution du granito de la façade boulevard de Magenta qui, lui, contrairement à ce qu’on imaginait au départ, a disparu. Il n’en restait qu’une toute petite partie dans un coin, d’environ 20 cm², qui a au moins permis de confirmer l’utilisation du granito sur les deux façades. Sur ce granito, on va recréer les faux joints de pierre, ces petits traits en creux que l’on voyait encore très bien sur le mur du boulevard de la Chapelle, même lorsqu’il était peint. Après décapage, la trame de ce faux appareil est d’autant plus visible.
Les vitraux des ouvertures étroites boulevard Magenta vont être refaits à l’identique : la fabrication en a été lancée, de même que celle des vitraux de la salle d’exposition (au niveau de la loggia) avec ses motifs floraux. La proposition de l’entreprise a été validée par la Conservatrice de la Direction Régionale des Affaires Culturelles.
Combien de temps faut-il compter ?
Pour la rénovation des façades, tout l’été certainement.
Autre étape terminée, l’étanchéité des terrasses (la terrasse d’angle du café club et le toit terrasse). Les terrasses à l’arrière de l’édicule technique ont été traitées mais il reste maintenant à assurer l’étanchéité de l’édicule lui-même car on s’est rendu compte, après le décapage de l’ancienne étanchéité, que le béton en dessous était en très mauvais état, très fissuré. Il fallait donc intervenir. Les façades de l’édicule technique ont aussi été décapées.
C’est bien sous le toit terrasse que la thermofrigopompe a été installée ?
Oui, et la partie du toit sous laquelle a été placée la pompe a été refaite à neuf. C’est le reste de la toiture qui est en mauvais état. L’entreprise est également en train de reprendre l’enduit sur la « fausse façade ».
Qu’appelez-vous la fausse façade ?
Au dernier étage, du côté du boulevard de la Chapelle, il y a un mur qui est, en fait, adossé au vide : c’est le revers de la corniche décorée de mosaïques, là où se trouvent les bracons en béton qui maintiennent le mur. Ce travail est très important car c’est la qualité de l’enduit qui garantira la bonne tenue des mosaïques nouvellement posées de l’autre côté de cette paroi. Si elles sont tombées dans les années 50, c’est que l’enduit avait été infiltré.
Vous avez évoqué la thermofrigopompe qui fera du Louxor un bâtiment écologique en permettant des économies d’énergie. Le système est-il prêt à fonctionner ?
Un essai de pompage de longue durée a été effectué. Nous venons de faire un test de captage de 24 heures sur la nappe phréatique et il s’est bien passé. Il s’agissait de vérifier la stabilité de la nappe et de s’assurer que le débit était celui que l’on attendait. En mode « rafraichissement » le but est (en France, du moins, où la température recherchée est beaucoup moins basse qu’aux États-Unis, par exemple), de pouvoir rafraichir l’atmosphère intérieure d’environ 5° par rapport à la température extérieure. Ce test a été tout à fait concluant quant à la capacité du captage.
Et à l’intérieur du bâtiment, où en êtes-vous ?
La petite salle sera la première terminée. La boîte acoustique est fermée et nous en sommes aux finitions : l’habillage bois est commencé ; la voute et les murs vont être revêtus d’un enduit micro perforé (le Baswaphon) rouge, avec certaines parties en tissu. La structure de l’écran va être aussi très prochainement installée par l’entreprise AMG -Fechoz, Scène étant le maître d’œuvre des installations scénographiques et cinématographiques. Les fauteuils de cette salle seront en cuir gris.
Dans la salle moyenne aussi, la boîte acoustique est fermée. Cette salle comporte des colonnes sur les côtés, avec des bas-côtés pour la circulation et une partie centrale qui est plus haute. Les côtés de la salle sont presque terminés et nous allons attaquer le Baswaphon sur le plafond, le fameux ciel bleu étoilé. Un prototype a été réalisé pour le passage des petites diodes d’éclairage, opération délicate qu’il faut bien préparer car le Baswaphon est un matériau qui ne supporte pas les reprises.
Dans cette salle, les fauteuils auront un dos en bois et seront habillés d’un velours brun chocolat.
Dans la grande salle, on termine les caissons en relief du plafond. Puis les peintres restaurateurs et les décorateurs vont commencer le travail. Pour en finir avec la grande salle, la couleur des fauteuils est définitivement choisie : ce sera le rouge le plus foncé.
A propos de la réalisation des décors peints de cette salle, pouvez-vous nous rappeler comment s’organise le travail ?
La maîtrise d’œuvre est assurée conjointement par Claire Bergeaud de Cartel Collections et moi-même. C’est elle qui a rédigé le cahier des charges préalable à l’appel d’offres et nous suivons ensemble le travail des équipes de peintres. Il y en a deux : la société Vallée qui est chargée de tous les fonds et des parties en faux marbre ; et l’équipe constituée autour de Laurent Blaise pour exécuter les peintures au pochoir, c’est-à-dire les hiéroglyphes et motifs décoratifs du plafond, les décors floraux, les Égyptiennes, les colonnettes florales.
On a également commencé le prototype des têtes de pharaon qui seront en staff et une sculptrice en fait un modèle à partir de nos dessins. Il y aura 6 têtes de 2 mètres de haut environ, avec la couronne Atef égyptienne. Chaque pilastre des parois latérales de la salle recevra une tête en partie supérieure, telle qu’indiqué dans l’inventaire de 1931.
Qu’en est-il des autres espaces du bâtiment ?
Tout ce qui concerne les cloisonnements, les doublages, est réalisé à 80 ou 90 %. La prochaine étape sera la mise en place des faux plafonds, au fur et à mesure que les réseaux et terminaux qui doivent y être intégrés (éclairage, bouche de ventilation, etc.) seront passés. Les installations sanitaires sont très avancées mais les appareils eux-mêmes seront posés au dernier moment pour les préserver jusqu’à la fin des travaux.
On a commencé la pose des sols qui seront en carrelage dans les zones publiques ; les mosaïques avaient disparu mais ont été recréées. Une zone test a été faite et la commande est lancée pour tous les carrelages du bâtiment : cela concerne le porche, le hall, les dégagements dans les étages, le café club, les sanitaires. Mais il est risqué de les poser trop longtemps à l’avance et ce sera fait plutôt à la rentrée. Dans les salles, les sols seront recouverts de moquette, elle aussi posée à la fin du chantier.
Les restaurateurs vont entreprendre aussi la peinture des parois dans l’escalier historique en granito. Le décor était simple, un fond gris sur lequel les faux joints de pierre sont tirés en blanc. Comme ce décor a été retrouvé, il va être restauré mais certaines parties en très mauvais état devront être restituées. L’escalier neuf principal est lui aussi en granito et sera recouvert d’un tapis pour amortir le bruit des pas.
L’ultime phase des travaux pose-t-elle des problèmes spécifiques ?
Pendant cette phase du chantier, il faut une très bonne coordination car de nombreux corps d’état sont en place et se pose le problème de la superposition et de l’enchaînement des tâches. Le « pilote » joue donc en ce moment un rôle fondamental.
Propos recueillis par Michèle Alfonsi et Annie Musitelli ©lesamisdulouxor.fr