–C’est en 1930 seulement que Pathé rachète le Louxor, en même temps qu’une vingtaine d’autres cinémas parisiens du groupe Lutetia-Fournier. Le livre que vient de publier Stéphanie Salmon sur l’histoire de la maison Pathé de 1896 à 1929, années cruciales pour le développement de l’industrie cinématographique, constitue un éclairage précieux sur l’environnement dans lequel s’inscrit la prise de contrôle du Louxor par Pathé.
Après l’irremplaçable catalogue de l’exposition Pathé, premier empire du cinéma, présentée en 1994-1995 au centre Georges Pompidou, un nouvel ouvrage sur la société Pathé vient de paraître, signé de Stéphanie Salmon. Directrice des collections historiques de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, qui a pour vocation de préserver et de diffuser les archives Pathé, elle avait aidé Les Amis du Louxor lors de la préparation de l’exposition et du livre sur notre cinéma préféré, et elle nous avait apporté une aide efficace en nous permettant notamment de reproduire des photos inédites.
Elle publie aujourd’hui ce livre sur la société Pathé, couvrant la période 1896-1929, c’est-à-dire d’un côté bien avant la construction du Louxor, et de l’autre, juste avant l’achat du Louxor par Pathé, au moment où Charles Pathé quitte la société. Et pourtant, si ce livre ne touche donc par directement le Louxor, il restitue remarquablement le contexte dans lequel va s’inscrire cette opération en mettant à disposition du lecteur des indications nombreuses et détaillées sur le développement de l’industrie cinématographique et sur la manière dont les frères Pathé ont commencé leur fulgurante carrière. Pour ce faire, Stéphanie Salmon a utilisé des archives en grande partie inédites, aussi bien celles de la société Pathé que du domaine privé.
L’ouvrage se lit comme un roman. On entre vraiment dans le jeu des influences et des contrats, et l’on suit avec intérêt la construction de l’empire Pathé. Au départ gestionnaires d’un simple commerce, les frères Pathé s’attachent à diffuser le son – le phonographe – puis l’image animée – le cinématographe – tout d’abord en tant qu’attraction dans les foires et les cafés-concerts, puis dans les salles de spectacle, enfin dans les foyers. Cette industrie de masse connaît alors un développement foudroyant, s’adjoint les métiers du cinéma, et gagne tous les continents, tandis que s’amplifie le mouvement de concentration de l’industrie cinématographique amorcé dès la première moitié des années 20.
Cette aventure industrielle hors du commun, portée par les rivalités de pouvoir, traversée par les enjeux économiques, conduite par les réflexions des dirigeants sur l’évolution des activités, montre aussi l’émergence d’une figure du patronat et des multinationales. On y voit également se dessiner l’histoire économique et sociale de la Belle-Époque, et surtout celle de la mise en place, dès avant la guerre de 1914-1918, d’un commerce de loisir accessible à un nombre croissant de personnes.
On attend maintenant avec impatience la suite de cette saga mouvementée.
Jean-Marcel Humbert ©Les Amis du Louxor
Stéphanie Salmon, Pathé à la conquête du cinéma, 1896-1929, Éditions Tallandier, 640 pages, nombreuses illustrations noir et blanc et couleur, notes, bibliographie et index. Préface de Sophie Seydoux. 29,90 €