Avant le Louxor I : la naissance d’un quartier

Notre recherche dans les archives pour découvrir les dévolutions successives de la parcelle du Louxor offre une plongée dans l’histoire de l’urbanisation du nord-est parisien. Car aux nourrisseurs à bestiaux venus du voisinage succèdent des spéculateurs de tout poil, portés par des projets où intérêts particuliers et intérêt général se trouvent mêlés. Le terrain est nu et d’une valeur inférieure à d’autres terrains construits à Paris. Il va faire l’objet d’intenses convoitises. Avec l’aide de l’autorité municipale, ces propriétaires vont participer à la construction d’une partie de la ville. On verra s’élever des monuments, un hôpital, une église, des gares ; le terrain sera divisé en rues, en boulevards, en places, et découpé en lots pour des immeubles à loyer.

Plan de la ville de Paris divisé en 12 arrondissements et 48 quartiers, « avec tous les changements exécutés et projetés jusqu’à ce jour », par Herisson, géographe, 1834. (Gallica.fr)

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Avant le Louxor II : du Clos Saint-Charles à la parcelle actuelle

Du Clos Saint-Charles au Louxor : les dévolutions successives de la parcelle du 170 boulevard de Magenta

Depuis la Révolution française jusqu’à l’achat par un certain Henri Silberberg d’un terrain sur lequel s’élevait un immeuble haussmannien qu’il va détruire pour construire son cinéma pharaonique, la parcelle est occupée par différents propriétaires. Continuer la lecture

Attractions du Louxor, II : La vie d’artiste

Achille Daras, éphémère attraction au Louxor

Dans la liste des artistes s’étant produits au Louxor, publiée en annexe de l’article Les attractions au Louxor pendant les années 20, Nicole Jacques-Lefèvre a eu la surprise, à la date du 4 mai 1923, de lire le nom de son arrière-grand-oncle : DARAS. La biographie qu’elle a pu retracer illustre parfaitement ce que pouvaient être ces vies d’artistes aux talents variés, bourlingueurs, un peu aventuriers, jamais découragés par la précarité de leur condition…

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Les attractions de l’entracte au Louxor pendant les années 20

Que peuvent avoir en commun Mardrus, « merveilleux phénomène de la tête sans corps », Mikasa Chokichi, « jongleurs fantaisistes japonais », René de Buxeuil, « le chansonnier aveugle », Mac Norton, « l’homme aquarium », et les chanteuses Eugénie Buffet, le ténor Vorelli ou le comique Ouvrard ? Tous sont montés sur la scène du Louxor pendant les soirées du cinéma muet, rythmées par les prestations musicales de l’orchestre et des numéros de variétés (1). Signe de l’intérêt des spectateurs pour ces bien nommées « attractions », elles sont mentionnées régulièrement dans l’hebdomadaire La Semaine à Paris (ancêtre de notre Officiel des spectacles) qui précise même souvent le genre de numéro programmé et/ou le nom de l’artiste.

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Projections spéciales au Louxor (1922, 1931, 1933)

Lorsqu’Emmanuel Papillon organise ses nombreuses « soirées spéciales » dans le nouveau Louxor (avant-premières, rencontres avec des acteurs ou réalisateurs, etc.), il renoue avec la tradition … Si ce genre d’événements ne se retrouve pas dans les programmes officiels (notamment La Semaine à Paris), on tombe cependant par hasard, dans la presse, sur quelques mentions de ces projections spéciales.

Invitation de vedette :

L’Intransigeant du 14 février 1922 apprend à ses lecteurs que « l’enfant star » Régine Dumien était au Louxor ce même jour à l’occasion de la programmation du film Petit Ange (1920) de Luitz-Morat et Pierre Régnier dans lequel elle tient un des rôles principaux. Mais ce soir-là au Louxor, la jeune vedette ne venait pas accompagner son film, elle faisait la quête au profit des Petits Lits Blancs…

L’Intransigeant, 14 février 1922

Le film s’y prêtait et la jeune Régine était un « Petit-Ange » très médiatique…Cette toute jeune actrice, devenue la coqueluche des journalistes, qui lui consacrent un nombre d’articles dignes de la presse « people » d’aujourd’hui et rivalisent de mièvrerie, était régulièrement mise à contribution pour des opérations de bienfaisance (« Régine Dumien ayant eu la scarlatine, a pensé aux enfants de son âge qui sont aussi malades et peuvent ne pas être aussi bien soignés qu’elle. Alors, pour eux, elle a brisé sa tirelire et a envoyé les 70 francs qu’elle contenait pour les Petits Lits Blancs. Merci à « Petit-Ange ». » L’Intransigeant, 15 mars 1921) « A quoi pense une artiste de 5 ans ? » s’interrogeait déjà ce même journal le 27 janvier 1921. Sa présence au Louxor n’était donc pas anodine. 

Le Petit Parisien, 29 juillet 1923

Cet engouement médiatique continua (voir quelques articles).  Si les Américains avaient le jeune Jackie Coogan, la France, elle, avait « la petite Régine Dumien » ! A l’occasion de la visite de l’enfant star américain à Paris, elle fut chargée d’aller l’accueillir à la Gare du Nord, occasion en or de publier des photos de la vedette nationale en si bonne compagnie… L’année suivante, dans une mise en scène soigneusement préparée, c’était au tour de Tom Mix, la star des westerns d’être accueillie par Régine Dumien gare Saint-Lazare (le célèbre cheval Tony attendait son maître dans un van devant la gare !).

Projections spéciales

Pendant les années 30, Pathé organise également des soirées spéciales au Louxor, devenu le Louxor Pathé.  Non sans rapport avec l’événement précédent, le Louxor fit partie des cinémas choisis pour projeter le « film sonore » du Bal des Petits Lits Blancs tourné à l’Opéra, événement éminemment mondain, à l’intention des « milliers de Parisiens qui n’ont pas pu assister au merveilleux spectacle ». (L’Intransigeant, 1er mars 1930).

On trouve aussi mention (Paris Soir, 20 décembre 1931) d’une « projection surprise » du film de Carmine Gallone, Le Chant du Marin, qui a eu lieu le jeudi 17 décembre 1931. Surprise ? En effet il ne s’agissait pas d’une avant-première mais d’une projection destinée à tester les réactions des spectateurs venus assister au film de la semaine et qui ne s’attendaient pas à ce supplément de programme.

Affiche : site encyclo-ciné

À en juger par la critique, le test fut fort encourageant pour ce film dont la vedette, le très populaire Albert Préjean, interprète les chansons écrites par Serge Veber sur une musique de Georges Van Parys.

En mars 1933, La Dame de chez Maxim’s, film d’Alexandre Korda d’après la pièce de Feydeau, scénario d’Henri Jeanson, était projeté (Le Journal, 21 mars 1933) au Louxor en présence de Marcel Achard et Steve Passeur (lui aussi dramaturge et scénariste), avant même sa sortie officielle. Celle-ci était organisée le lendemain à Lyon pendant les journées lyonnaises du cinéma.

Affiche site Unifrance

Projection au Louxor (que le journaliste situe d’ailleurs « boulevard de Rochechouart » …) pleinement réussie puisque « L’amusante et savante reconstitution de la vie en 1900 fut très appréciée par tout le monde, et les producteurs et les éditeurs du film étaient ravis. »

Le Journal, 21 mars 1933

Ces quelques échos de la vie d’une salle de cinéma plus présente dans la presse des années 20 et 30 qu’on pourrait l’imaginer…

Salles de cinéma entre « Louxor » et « Luxor »

Des archives récemment redécouvertes, qui feront sur ce site l’objet d’articles à venir, montrent que le nom du « Louxor » qui nous est familier aurait fort bien pu être tout autre. L’architecte Cazalières qui réalise en mars 1919, avant Zipcy, les premiers plans connus du cinéma, les intitule « Cinéma Magenta » ou « Cinéma Bld Magenta ». L’année suivante, alors que le chantier commence et jusqu’en août 1920, figure également « Cinéma Silberberg », du nom du propriétaire. Noms de code ? Pourtant, le nom actuel était alors déjà fixé, puisqu’il figure sur la demande de permis de construire du 5 janvier 1920. Un nom qui va rester unique dans le monde, puisque partout ailleurs, c’est sa graphie en langue anglaise – Luxor – qui va l’emporter, au point que même Tintin et le capitaine Haddock fréquentent – par la magie d’un dessin d’Harry Edwood – un « Luxor » orthographié à l’anglaise tel qu’il l’était à Bruxelles.

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Marius Kowalski, chef d’orchestre du Louxor

Qui se souvient des chefs d’orchestre des cinémas des années 1920 et 1930 ? A quelques exceptions près — comme Paul Fosse, directeur musical du grandiose Gaumont Palace, ou Lucien Rémond, chargé de la direction d’orchestre du Louxor et des arrangements pour l’inauguration et les séances qui suivirent  —, ces artistes qui assuraient l’animation musicale des séances, et dont certains étaient également compositeurs, sont un peu les oubliés de l’histoire. Pourtant, l’orchestre constituait un atout majeur pour les salles qui, comme le Louxor, avaient la chance d’en disposer.
L’un des premiers chefs d’orchestre du Louxor fut Marius Kowalski (1886-1963).
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